L’Alsace préfigure difficilement le droit à la différenciation

L’Alsace préfigure difficilement le droit à la différenciation

Le Sénat a adopté le projet de loi relatif aux compétences de la nouvelle « Collectivité européenne d’Alsace » qui vise à fusionner le Haut-Rhin et le Bas-Rhin en une Collectivité européenne d’Alsace (CEA) dotée de compétences supplémentaires.

Cette collectivité doit rassembler en 2021 les compétences du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, ainsi que de nouvelles compétences concernant notamment la coopération transfrontalière, le bilinguisme, le tourisme, la mobilité ou la culture. Les deux préfectures actuelles seront maintenues à Strasbourg et Colmar.

Ce texte répond, en vertu d’un accord signé le 29 octobre à Matignon, entre le gouvernement et les élus alsaciens, à une volonté de remettre en valeur une forme officielle d’Alsace diluée dans la région Grand Est.

Ce projet de loi préfigure le droit à la différenciation entre territoires, qui pourrait s’étendre à d’autres régions. Prévu par le projet de réforme constitutionnelle, ce droit à la différenciation aurait pour objectif de permettre aux collectivités territoriales d’élargir leur liberté d’administration en favorisant les expérimentations locales.

J’ai été très « perturbé » par ce débat long, laborieux et tendu. D’une part, ce texte n’est pas satisfaisant. Il donne l’illusion à la population alsacienne d’avoir obtenu une réponse à son « besoin d’Alsace » avec l’idée d’une collectivité spécifique qui porte le nom très marketing de « Collectivité européenne d’Alsace ». La réalité est qu’il ne s’agit pas d’une collectivité à statut spécifique mais bien d’un double département, pour reprendre la formule d’une de mes collègues. Le contenu du texte ne correspond pas au contenant.

D’autre part, je suis très dubitatif, de la fusion de deux départements côté collectivités territoriales alors que l’Etat va conserver ses deux structures départementales et préfectorales. Il n’y a pas correspondance entre l’organisation de la collectivité territoriale et l’organisation de l’Etat. J’en comprends bien le motif puisqu’aucun des deux départements n’auraient accepté la suppression de « sa » préfecture. Mais le résultat est pour le moins illisible.

Enfin, nous allons retrouver cette question de la différenciation territoriale avec la révision constitutionnelle puisque le gouvernement souhaite cette différenciation territoriale. Le premier exemple que nous avons eu à gérer est pourtant assez simple puisqu’il n’entraînait pas de modifications constitutionnelles, montre la difficulté de cette tâche. Nous sommes loin d’un équilibre ou d’une pertinence sur ce sujet.