État d’urgence : l’interview de Michel Mercier pour nos lecteurs

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Mon collègue Michel Mercier, ancien ministre de la Justice, est rapporteur spécial du comité de suivi de l’état d’urgence, institué dès le 25 novembre 2015 par la commission des lois du Sénat. Je vous invite à découvrir, ci dessous, ses réponses aux questions que peuvent se poser nombre d’entre-nous.

Quelles sont les finalités du contrôle parlementaire de l’état d’urgence ?

Notre but n’est, bien entendu, pas de nous substituer au contrôle juridictionnel effectué par le juge administratif ou d’apprécier la pertinence des motivations ayant conduit les autorités de police à procéder à telle ou telle perquisition ou d’assigner tel individu à résidence. Il nous appartient en revanche d’être vigilants sur les risques d’utilisation « tous azimuts » des prérogatives renforcées dont disposent les autorités administratives pendant l’état d’urgence et de nous assurer qu’elles sont utilisées de manières proportionnées et adéquates.

Quel premier bilan peut-on tirer de l’application de l’état d’urgence ?

Force est de constater que les autorités de police utilisent massivement les facultés que ce régime leur offre. Il ne faut cependant pas négliger le fait que ces procédures permettent également d’acquérir des renseignements, cet aspect des perquisitions étant cependant particulièrement malaisé à évaluer pour des raisons évidentes de confidentialité.

Quelles sont les prochaines étapes du comité de suivi ?

La question qui va se poser rapidement à nous est celle de la sortie de l’état d’urgence. On ne saurait durablement fonder la prévention du terrorisme sur des procédures dérogatoires à nos règles habituelles de prévention des troubles à l’ordre public et de répression des infractions à la loi pénale. Il m’apparaît exclu, au risque de fragiliser les fondements de notre État de droit, de procéder durablement à des perquisitions hors du contrôle de l’autorité judiciaire ou de maintenir sur le long terme des personnes en assignation à résidence, alors même qu’aucun élément ne permettrait de les renvoyer, en vertu de nos règles relatives au procès équitable, devant une juridiction de jugement.

Ce débat nous renvoie donc aux moyens humains, matériels et juridiques dont disposent les pouvoirs publics pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée en dehors du cadre de l’état d’urgence.