Commune nouvelle entre Puygouzon et Labastide-Dénat : le témoignage de Messieurs les maires Dufour et Royer

Dès le 1er janvier 2017, notre département comptera une commune nouvelle supplémentaire, issue de la fusion des communes de Puygouzon et de Labastide-Dénat. Pour l’occasion, nos collègues Jacques Royer, maire de Labastide-Denat, et Thierry Dufour, maire de Puygouzon, se sont prêtés à l’exercice d’une interview croisée.

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1 / Qu’est-ce qui a déclenché la réflexion de créer une commune nouvelle et quand avez-vous décider de vous dire « allez, on se lance » ?

Jacques Royer : J’ai été élu aux dernières élections municipales 2014. Une des priorités à été de se pencher sur les finances de la commune, d’analyser le budget et les possibilités d’envisager nos perspectives de développement. Cette commune est une commune rurale, toutes les municipalités précédentes n’ont pas fait d’effort fiscal suffisant pour qu’aujourd’hui le produit fiscal attendu soit suffisant pour faire face aux besoins de fonctionnement de cette commune. Le vote du budget annuel est toujours délicat. En 2015, lors de réunion de l’association des maires du Tarn, il a été évoqué a plusieurs reprises par certains intervenants que les solutions d’avenir pour une commune comme la mienne étaient de s’associer avec une ou des communes voisines pour mutualiser les moyens financiers et matériels. A ce moment-là nous avons évoqué cette éventualité avec M. Thierry DUFOUR. En 2016, lors de la préparation du BP, l’idée d’une commune nouvelle nous est apparue nécessaire. J’ai demandé à mon conseil municipal sa position sur ce sujet et nous avons décidé d’en faire la demande officielle à la commune de Puygouzon.

Thierry Dufour : Nous avions commencé à en discuter en 2015 après cette réunion de l’association des maires, où le sujet des communes nouvelles avait été largement abordé. Nous avions déjà abordé à plusieurs reprises le sujet entre collègues à l’Agglomération. Cette réunion a en quelque sorte été le déclencheur. M. Royer était intéressé par la démarche mais souhaitait un peu de temps pour y réfléchir. Tout s’est accéléré au début de cette année, lorsqu’il m’a annoncé qu’il était prêt à se lancer dans un projet de commune nouvelle. Bien entendu, la nécessité de délibérer de manière concordante avant le 31 juin 2016 pour pouvoir bénéficier des incitations financières liées à la création d’une commune nouvelle a pesé dans la balance.

2 / Le fait que vous vous connaissiez a-t-il été déterminant pour faire « route ensemble » ?

J.R. : Nous avons la même passion pour faire vivre au mieux nos deux communes. La mutualisation de nos communes est à nos yeux un point bénéfique pour tous. Nous avons travaillé tous les deux à la préparation de cette fusion dans un esprit constructif. Le fait de se connaître à été un atout de facilité pour construire ce projet.

T.D. : D’abord et surtout, avec M. Royer nous sommes voisins : nous vivons sur le même petit bassin de vie. Ce qui facilité déjà l’approche commune. De plus, le fait de siéger tous les deux à l’Agglomération nous a permis de se rencontrer, de travailler ensemble, d’échanger et d’apprendre à se connaître. Lors de nos réunions à l’Agglomération, nous avions d’ailleurs évoqué le sujet d’une commune plus grande avec d’autres communes voisines.

3 / Vos conseils municipaux sont-ils impatients de se réunir dans le nouveau format, à 34 membres ?

J.R. : Dans un premier temps, pour l’élaboration de ce projet, les deux conseils municipaux ont travaillé séparément sur toutes les questions possibles et diverses et importantes qui pourraient se poser en 2017. Dans un second temps, les deux conseils municipaux se sont réunis pour aborder l’avenir, se connaître, débattre sur tous les points importants à mettre en avant pour cette fusion. Mais ils ont surtout appris à s’apprécier. Le verre de l’amitié servi à la fin de cette réunion en a été la preuve. Le nouveau format à 34 membres s’annonce prometteur.

T.D. : Mes conseillers municipaux vivent cela comme un nouveau challenge, cela donne un nouveau souffle, un nouvel élan, une nouvelle dynamique à notre commune et à notre équipe municipale pour les 3 prochaines années au moins. La création d’une commune nouvelle constitue un nouveau projet qui a quelque chose d’excitant. Les communes de notre taille n’ont pas souvent l’occasion de mener de tels projets. Je ne peux pas parler pour les autres conseils municipaux, mais, pour le mien, tout est positif : la commune va être plus grande, dans tous les domaines. D’autant plus que nous allons visiblement être les seuls du département à fusionner. Le côté un peu « pionnier » me plaît beaucoup !

4 / Suite aux nombreux échanges avec la population, quels ont été les principaux points d’adhésion et, à l’inverse, de réserve à votre projet de commune nouvelle ? 5 / Combien de réunions ont été nécessaires pour mener le processus à son terme ?

J.R. : Avant la réunion officielle d’information que nous avions programmée, des rumeurs étaient lancées sur nos deux communes. Mon commerce devenait le parloir pour les habitants de Puygouzon. Beaucoup d’échanges, beaucoup d’enthousiasme et beaucoup d’encouragements des Puygouzonnais pour l’aboutissement de ce projet. Les félicitations pour entreprendre cette démarche me rassuraient et me confortaient dans ma décision de créer une commune nouvelle.

D’un autre côté, un petit nombre de Bastidois étaient beaucoup plus réticents à ce projet. Le point noir : LA FISCALITÉ. Nous avons effectué deux réunions d’information sur ce projet le même jour, 18h30 dans un premier temps à Puygouzon où nous avons expliqué nos motivations et nos projets qui ont été à l’unanimité encouragés par le public. Dans un deuxième temps, à 20h30, la même réunion débutait à Labastide-Dénat avec une ambiance beaucoup plus tendue. Une pétition sur le « non au projet ».

Beaucoup d’interrogations sur la fiscalité, pourquoi ne pas fusionner avec une autre commune que celle de Puygouzon? Nous avons du nous exprimer fortement sur le bien-fondé de ce projet pour rassurer un maximum de mes administrés.

En amont, certains élus aux finances, les services de la préfecture, les services du fisc, Thierry DUFOUR et moi-même avions travaillé sur ce projet pour pouvoir avoir toutes les réponses nécessaires lors de ces réunions d’informations.

T.D. : Parmi les points positifs, je citerai le fait que nos habitants aient rapidement adhéré à 100% au projet. Il y a eu très peu, voire pas de réticences. Les gens ont tout de suite adhéré au projet, ont tout de suite vu l’intérêt de la mutualisation, notamment sur les économies financières qui en résulteraient. Bien entendu, et sans que cela soit réellement un frein, certains de mes administrés se sont posés la question suivante : « Pourquoi aller s’embêter à prendre 400 personnes à compter de 2017 ? On est bien comme on est. ». Pour d’autres, l’inquiétude était liée au fait de passer le cap des 3.500 habitants (que nous atteindrons rapidement), avec toutes les obligations supplémentaires qui en découlent, par exemple en matière de construction de logements sociaux.

Je comprends parfaitement les réticences initiales des Bastidois(es) puisque nous comptons 10 fois plus d’habitants. Ce sont des craintes légitimes qui se sont manifestées, chaque habitant étant profondément lié à l’histoire de son « clocher ».

Comme vient de l’évoquer Jacques Royer, le volet fiscal cristallisait les crispations et aurait pu être un gros point de blocage. Nous n’avions pas les mêmes taux d’imposition ni les mêmes exonérations. Depuis, les choses sont réglées, les deux conseils municipaux se sont entendus sur les points fiscaux. Il y aura une harmonisation qui s’étalera sur 12 ans pour la commune de Labastide-Dénate afin de rapprocher nos taux d’imposition. Le différentiel entre nos deux communes sera « compensé » par les exonérations plus importantes dont nous disposions.

6 / À quels changements concrets vous attendez-vous à compter du 1er janvier 2017 ?

J.R. : Lorsque vous participez au congrès des maires et que vous êtes au milieu du salon proposant toutes les nouveautés de mobiliers urbains et de matériels de collectivité, vous ne pouvez que rêver. Sur ma commune, j’ai 10 kilomètres de chemins de randonnée à entretenir. Chaque année, c’est en demandant de l’aide matérielle aux communes voisines que nous arrivons à effectuer cette tâche. Notre budget ne nous permet pas d’acquérir du matériel nécessaire. Créer une commune nouvelle avec Puygouzon va pallier ce manque. Cette commune à tous les matériels nécessaires, et cela deviendra le nôtre. Nous n’avons pas d’école ; demain, l’école de Puygouzon sera la nôtre. La cantine sera au même prix pour tous. Les Bastidois auront accès à toutes les infrastructures existantes sur Puygouzon … culturelles, sportives, associatives, loisirs. Donc créer une commune nouvelle ne peut nous apporter que du positif.

T.D. : Il est évident que, pour nous, la problématique est différente : nous avons une école avec 11 classes et 300 élèves, des infrastructures sportives et culturelles, etc. .

Cette fusion nous permettra en revanche d’être une commune plus grande et plus visible, qui pèse davantage au sein de l’Agglomération et auprès des différents services de l’État. La fusion avec Labastide nous permet d’entrer dans le « top 16 » des quelques 300 communes du Tarn.

La « carotte fiscale » que représentent les incitations financières à la création d’une commune nouvelle a également pesé dans la balance, c’est évident, par les temps qui courent…

C’est un clin d’oeil mais j’ai toujours dit à mes collègues et à mes administrés que j’aurais aimé être maire d’une petite commune ayant un certain cachet architectural. Labastide-Denat a ce cachet architectural et historique que nous n’avons pas, avec un magnifique petit centre-ville, son église.

7 / Que diriez-vous à vos collègues qui sont tentés mais hésitent à enclencher le processus de création d’une commune nouvelle ?

J.R. : Si j’ai une chose à dire à mes collègues maires : regardez ce que nous sommes en train de construire, la mutualisation de tous les moyens, qu’il soient financiers ou matériels, ne peut être que bénéfique pour chaque commune. Réfléchissez-y.

T.D. : Je leur dirai qu’ils ont tort parce que c’est plus facile qu’on ne l’imagine et que nos populations sont pleinement conscientes de l’émiettement de nos communes, que les plus petites ne sont plus vraiment en adéquation avec ce qui se passe maintenant. Il ne faut pas être frileux, la population vous le rendra bien, sera sensible à vos efforts. En ces temps de « disette financière », vos administrés comprendront rapidement la nécessité de se regrouper pour être plus forts ensemble sans remettre en cause les identités de nos communes, qu’elles soient rurales, « rurbaines » ou périurbaines.

Pour le mot de la fin, je tiens à saluer le courage de mon collègue Jacques Royer, qui a bien voulu s’associer à une commune plus grande alors même qu’il s’agit de son premier mandat. Cela demande du courage et un profond sens de l’intérêt général.