Attention : l’imprévision surgit dans les marchés publics

Étudiant en droit, j’ai appris la théorie de l’imprévision mais n’en avais quasiment jamais vu d’application en gestion publique. L’inflation des prix de l’énergie et des matières premières est en train de « chambouler » ce sujet, de toucher -d’où mon alerte- l’exécution des marchés publics en cours et non seulement ceux à venir.

La Fédération Nationale du Bâtiment et des travaux publics a fait le siège du ministre de l’Économie pour demander un soutien face à cette inflation. Le gouvernement n’est pas en mesure d’envisager des modalités de type bouclier sur les prix comme il le fait vis-à-vis des particuliers.

Dans un communiqué de presse du 22 septembre, Bruno Le Maire indique avoir trouvé un accord avec le secteur des BTP portant sur toute une série de mesures dont 3 vont intéresser les collectivités locales. Deux d’entre elles ne posent pas de problème à savoir la pérennisation à 100 000 € du seuil de gré à gré qui exempte les marchés publics de travaux d’appel d’offres. Il s’agit de la poursuite des mesures prises durant la crise sanitaire.

La deuxième modalité concerne l’abaissement de 6 à 4 mois du délai inscrit dans le cahier des clauses administratives générales des marchés publics, entre la notification d’un marché et l’ordre de service de démarrage effectif des travaux, afin d’éviter une inflation des coûts durant cette période. Le but est l’accélération de l’exécution des marchés publics.

Par contre va poser un problème très sérieux à nos collectivités  l’annonce suivante que je vous reproduis in extenso :

«  4. Le gouvernement a saisi le Conseil d’Etat, qui vient d’indiquer qu’il était possible de réviser les prix dans les marchés publics en cours, pour prendre en compte les surcoûts engendrés par les circonstances exceptionnelles. Une circulaire va préciser dans les tous prochains jours les démarches à entreprendre en la matière, et une fiche pratique est déjà mise en ligne sur le site du ministère. »

Très concrètement cela signifie que dans le cas d’un marché public en cours, une commune tarnaise pourra se voir réclamer une augmentation du prix en liaison avec l’augmentation du prix de l’énergie ou des matières premières, même s’il n’y avait aucune clause en ce sens dans le contrat passé avec l’entreprise.

Par définition, l’imprévision est désagréable pour une collectivité ne serait-ce que par les conséquences sur son tableau de financement, sur les demandes de subventions …

Le gouvernement fait référence à l’accord du Conseil d’État.

Pour moi il y a deux choses à retenir. D’une part, le Conseil d’État estime que l’accélération de l’inflation, l’augmentation des prix précités, constituent effectivement des circonstances imprévues pour l’entrepreneur et peuvent  justifier une demande de modification des prix qui sera bien sûr examinée au cas par cas en fonction des surcoûts réels. Ceci peut conduire la commune à un débat très détaillé avec l’entreprise.

D’autre part, la commune n’aura jamais l’obligation d’accepter la modification du contrat résultant de cette imprévision. Par contre, si elle n’accepte pas un surcoût qui serait justifié par cette théorie de l’imprévision, elle s’exposerait à une demande en indemnisation présentée devant le juge administratif.

Tout ceci me conduit à vous proposer d’oublier les subtilités du Conseil d’État et à simplement, à partir du bon sens, se dire qu’une négociation sera à envisager au cas par cas entre la collectivité et les entreprises. La collectivité n’a pas intérêt à mettre en difficulté l’entreprise en rendant l’exécution du contrat excessivement déficitaire et l’entreprise n’a pas intérêt à mettre en difficulté la commune par des surcoûts que celle-ci aurait du mal à intégrer dans son budget.

Une circulaire sera rapidement établie mais je resterai à votre disposition, comme ne manqueront pas de le faire les services de l’État, pour vous éclairer si nécessaire sur ce sujet délicat que je n’aurais jamais imaginé voir se poser.

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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