Projet de loi engagement et proximité : les points de débat

Madame Gourault Ministre en charge des collectivités était venue vous présenter ses idées pour le futur projet de loi Engagement et Proximité lors du dernier congrès de l’Association des Maires du Tarn.

Le texte présenté d’abord au Sénat comme d’usage  en matière de collectivités a été voté à une quasi-unanimité ce mardi 22 octobre.

Je voudrais vous en présenter les points saillants du texte avant examen par l’Assemblée.

Il y aurait tellement de choses à dire ou à évoquer, mais concentrons sur les points forts du texte, sur ceux  qui peuvent faire débat et sur diverses mesures techniques qui vont à mon avis dans le bon sens.

 

1. Les points forts

Le Maire et la commune sont remis au centre du dispositif.

C’est la volonté issue du débat public après la crise des Gilets Jaunes.

La confiance se façonne à partir des territoires et les maires sont le pivot de la relation entre la population et nos institutions.

La ligne directrice du Gouvernement en présentant son texte était de mettre fin aux « irritants », notamment dans les relations entre les communes et les intercommunalités.

L’idée principale  du Sénat a été la libre administration des communes. Le Sénat a pris comme règle du jeu le pouvoir des Maires, la souplesse  ans les mécanismes intercommunaux. Autrement dit, le texte est pétri de bonnes intentions.

Le points fort consiste à conforter le rôle du Maire. Comment ?

Par exemple à travers la possibilité de créer un conseil des Maires dans les EPCI ce qui est une bonne pratique dans beaucoup de collectivités, l’importance accordée au pacte de gouvernance, c’est-à-dire à l’idée pour les élus locaux de s’accorder sur ce qui doit être fait ou non dans leurs EPCI, un droit de regard plus important des maires sur les PLUI sans rentrer dans les détails techniques.

A la rubrique de la suppression des « irritants » figure la disparition de la révision tous les 6 ans du Schéma Départemental de Coopération Intercommunale. Sauf demande des élus, il n’y aura donc pas de révision du SDCI à l’issue du prochain renouvellement municipal.

Toujours dans la suppression des « irritants », l’extension de la procédure dérogatoire de sortie d’une commune aux communautés d’agglomération ou encore la possibilité pour une communauté de communes ou une communauté d’agglomération de se scinder en 2 ou plusieurs EPCI dès lors qu’une majorité de communes en est d’accord sur le périmètre de chacun des nouveaux EPCI dans le respect des seuils pour chacun.

Une large partie du texte concerne le renforcement des pouvoirs de police du Maire , à l’exemple des décisions de fermeture d’établissement pour manquement aux règles de sécurité, ou pour les débits de boissons sur délégation du Préfet ou encore les astreintes administratives pour faire respecter les dispositions d’un permis de construire.

Afin de renforcer la sanction de certaines incivilités ou comportements troublant la sécurité publique, les Maires pourront infliger des amendes aux contrevenants par exemple en matière de défaut d’élagage ou d’entretien des arbres ou des haies, d’entrave ou d’occupation illégale du domaine public.

Je mets également dans la rubrique suppression des « irritants » la « seccabilité »  des compétences, c’est-à-dire l’idée que la délégation de compétence d’une collectivité à une autre pourrait  concerner tout ou partie de cette compétence, alors qu’actuellement il n’est pas possible de ne déléguer qu’une partie.

Dans le cadre d’une rubrique simplification des normes, deviennent facultatifs  toute une série d’éléments tels que le rapport annuel sur le service des déchets, le conseil de développement ou encore l’élaboration d’un schéma de mutualisation.

Un autre point fort du texte est constitué par les amendements venant de la commission des lois tendant à favoriser la mise en œuvre des dispositifs d’astreintes ou d’amendes évoquées plus haut.

La réponse des collègues est toujours de dire : « comment allons-nous mettre en œuvre ?».

Nous avons essayé de contourner la contrainte liée au fait que beaucoup de Maires ne veulent pas déléguer leurs fonctions d’OPJ.

Nous avons rédigé en commission des textes « cousu-main » pour permettre la mutualisation horizontale des polices municipales,  c’est-à-dire une mise à disposition de commune à commune mais aussi la mutualisation verticale permettant à une police communale de travailler pour le niveau intercommunalité ou à l’inverse à une police d’être créée au niveau intercommunal tout en pouvant être remise à disposition suivant les compétences des mairies.

Un autre volet concerne le statut des élus avec par exemple la prise en charge des frais de garde qui résulteraient des activités des élus municipaux ou  la revalorisation des indemnités des élus des communes modestes, le Sénat ayant prévu cette revalorisation en 3 tranches ,ce qui n’est pas la proposition du Gouvernement,  pour les communes jusqu’à 500 habitants, puis de 500 à 999 et de 1000 à 3500 habitants.

Des dispositions d’assouplissements sont également prévues pour les indemnités dans les syndicats.

Une autre partie du texte concerne la protection fonctionnelle qui sera accordée aux élus de droit non seulement pour les maires mais, si l’on suit le Sénat , pour les adjoints et tous les élus ayant délégation avec prise en charge par l’État non plus jusqu’à 1000 habitants mais dans les communes jusqu’à 3500 habitants.

Vous voyez que le Gouvernement et surtout le Sénat ont une vision très large.

2 – Les points qui prêtent à discussion

Dans mon analyse  , il y en a essentiellement deux et qui tournent autour de l’idée de favoriser le fait communal par rapport au fait intercommunal. Mes collègues sont allés très loin sur 2 points.

D’une part, ils sont à nouveau revenus sur la saga de la compétence eau et assainissement.

Nous savons tous que le Gouvernement avait prévu, et nous l’avons adopté antérieurement, que la compétence soit toujours obligatoire au 1er janvier 2020 pour les communautés d’agglomération avec possibilité de reporter jusqu’en 2026 pour les communautés de communes.

Dans le texte « engagement et proximité» le Gouvernement avait proposé un deuxième assouplissement en permettant   à toutes les intercommunalités de pouvoir subdéléguer aux communes soit l’assainissement soit l’eau , suivant différentes modalités techniques.

Mes collègues ont décidé ,  à l’issue de cette première lecture, de rendre purement et simplement facultatives les compétences eau et assainissement et de ne plus faire de différence entre les compétences optionnelles et facultatives.

Autrement dit, il devient possible pour les communes de refaire ce qu’elles veulent.

L’idée d’assouplissement et de liberté se comprend très bien. Je reste par contre assez réservé sur ces allers-retours permanents qui font que les communes ne savent plus quelle est la règle du jeu.

Je crois également que sur le long terme les compétences eau et assainissement gagneront, pour des raisons en particulier de disponibilité d’une ingénierie territoriale à être regroupées soit au niveau de syndicat soit au niveau des intercommunalités.

Je suis convaincu que l’Assemblée Nationale reviendra sur ce dispositif.

Ma deuxième réserve concerne l’écriture par mes collègues de l’article 17 qui est modèle de subtilité politique et légistique.

Après avoir énoncé plus tôt que les communes sont libres de déléguer telle ou telle compétence même non prévue à une intercommunalité,  mes collègues ont introduit de manière benoite l’idée que les intercommunalités doivent être traitées de la même manière et doivent pouvoir subdéléguer… aux Départements et aux Régions.

Ils ont trouvé la solution pour terminer d’abroger la loi NOTRe et la dernière chose qui restait du quinquennat de Monsieur Hollande en matière de collectivités locales (à l’exception des métropoles et de la loi Maptam) en faisant disparaitre le principe de spécialité, élément essentiel de la loi NOTRe qui donnait aux communes la compétence générale et des compétences spéciales pour les Départements et les Régions.

A partir du moment où les communes ont une liberté de délégation aux intercommunalités et où les intercommunalités auraient une liberté totale de délégation aux Départements ou aux Régions, plus rien n’interdirait par exemple aux communautés de communes rurales de redonner la compétence économique aux Départements ce que ceux-ci réclament à cor et à cris depuis 2015.

Je ne souhaite pas être l’empêcheur de tourner en rond et interdire aux Départements d’exercer la compétence économique.

Je constate simplement que l’on revient au point de départ !

3. Les points techniques intéressants

Le texte regorge après plus de 1 000 amendements de petites mesures techniques qui sont effectivement pertinentes et qui je l’espère pourraient rester à l’issue de la lecture devant l’Assemblée Nationale.

  • La possibilité pour le représentant d’une commune dans une commission de l’intercommunalité d’être remplacé, en cas d’absence temporaire,   par un autre conseiller municipal ;
  • L’obligation de rédaction d’un document précisant les impacts financiers de tout changement de périmètre d’un EPCI;
  • La création d’un rescrit, c’est-à-dire la possibilité pour un Maire de questionner par écrit le Préfet sur tel ou tel point relatif à l’exercice des compétences communales, le Préfet ayant 4 mois pour prendre position de manière formelle.

Sa position vaut engagement pour l’avenir.

Tout ce qui va dans le sens de la stabilité est de bon aloi.

  • La possibilité pour le Préfet de déroger à la règle suivant laquelle une commune doit apporter au minimum 20% du montant total du financement ce qui existe pour les rénovations de monuments classés et qui serait étendu à toutes les rénovations du patrimoine.

-Me semble également intéressante la meilleure prise en compte de l’expérience élective dans les procédures d’attribution des diplômes au titre de la validation des acquis.

Il a été également prévu que pourraient rentrer dans le financement des formations ouvertes aux élus, des formations à la reconversion professionnelle.

-Plusieurs mesures techniques visent à éviter d’organiser des élections municipales partielles en augmentant le taux de démission rendant obligatoire une élection ou encore en prévoyant de limiter les élections municipales partielles dans l’année précédant les élections générales afin de procéder à l’élection du Maire au seul cas où le Conseil municipal aurait perdu plus d’un tiers de ses membres.

-Une mesure souvent demandée , adoptée malgré l’opposition du Gouvernement en séance,  serait de permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec le nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3500 habitants ce qui éviterait des affectations d’étiquettes d’office par les services du Ministère de l’Intérieur.

Je pourrai également citer la possibilité pour un Maire d’autoriser la célébration d’un mariage dans tout bâtiment communal situé sur sa commune sans avoir à demander l’autorisation du Procureur de la République même si là le Gouvernement compte bien revenir sur cette disposition devant l’Assemblée.

 

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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