Loi #Numérique : conclusions de CMP

Députés et sénateurs ont trouvé un accord sur le projet de loi République Numérique. La lecture de ce texte commun, qui sera voté conforme par l’Assemblée et le Sénat, devrait avoir lieu au Sénat le 27 septembre.

Comme évoqué dans mes lettres précédentes, ce vaste texte vise à généraliser la mise à disposition des données publiques (« open data »), à mieux protéger les données à caractère personnel et à faciliter l’accès des citoyens au numérique.

En matière d’ouverture des données publiques, le texte prévoit par exemple :

– la gratuité, à compter du 1er janvier 2017, des données publiques de l’INSEE (base SIRENE, …) ;

– l’obligation pour les titulaires de contrats de concession d’ouvrir leurs données, sauf « décision motivée fondée sur des motifs d’intérêt général et rendue publique » par les autorités ;

– la mise à disposition par l’administration fiscale des données foncières, reconnaissant ainsi à un nombre important d’acteurs (dont les collectivités bien entendu) le droit de connaître les valeurs foncières en toute transparence.

Ce texte aborde par ailleurs différents enjeux liés à l’économie collaborative, dont il est nécessaire de préserver l’essor tout en assurant une meilleure régulation.

Il nous a par exemple semblé nécessaire d’encadrer davantage la location des meublés de tourisme de courte durée afin de lutter contre le dévoiement de certaines plateformes comme AirBnB et les abus qui y sont commis sans imposer aux loueurs ou aux communes des contraintes excessives. À l’initiative du Sénat, le texte prévoit via un article surnommé « article AirBnB » deux mesures complémentaires :

– la possibilité pour certaines communes (celles appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50.000 habitants et celles situées en zones dites « tendues ») et après délibération sur le sujet, de soumettre les locations de meublés à une déclaration préalable en ligne, qu’il s’agisse d’habitations principales ou secondaires (au choix de la commune) ;

En pratique, les loueurs obtiendront après enregistrement en ligne un numéro de déclaration du logement qu’ils devront obligatoirement faire figurer sur l’annonce publiée sur la plateforme type AirbnB ;

– l’obligation pour les plateformes et agences physiques d’intermédiation de s’assurer que leurs utilisateurs ne proposent pas à la location plus de 120 jours par an leur résidence ; Au delà, le logement ne pourra plus faire l’objet d’une offre de location par la plateforme ou l’agence physique jusqu’à la fin de l’année en cours ;

Les communes pourront demander aux plateformes ou agences physiques d’intermédiation, si elles en ont la possibilité, le décompte des nuits louées.

La taxe de séjour est elle-aussi au coeur des locations de meublés de tourisme par des particuliers. Elle est directement collectée par AirBnB dans une vingtaine de villes françaises seulement. Afin de faciliter l’extension de ce mécanisme aux 17.000 communes françaises concernées, Bercy a mis en ligne un répertoire national des taux des taxes de séjour pour chaque commune (consultable ici).

Je regrette que l’Assemblée n’ait pas retenu l’instauration d’une franchise générale de 5.000 € sur les revenus tirés par les particuliers de leurs activités sur des plateformes collaboratives. Cette mesure présentait deux avantages :

– officialiser les revenus tirés de ces activités, en prévoyant que la plateforme transmette à l’administration fiscale, de manière complémentaire, les montants individuels perçus ;

– opérer un distinguo clair entre les particuliers, qui ainsi « arrondissent leurs fins de mois », et les professionnels, qui devraient pour leur part être soumis aux mêmes règles et impositions que celles des hôteliers professionnels.

Sur l’ensemble du Tarn, je ne connais pas le nombre d’appartements ainsi loués mais présume qu’ils sont nombreux, si j’en juge par le nombre d’appartement qui seraient proposés via AirBnB pour la seule ville d’Albi (environ 200).

Aussi, le texte contient des mesures très concrètes pour les internautes :

– création d’un droit à la portabilité des données personnelles (transferts des courriels, fichiers et autres contenus d’un opérateur à un autre) ;

– création d’un droit à la « mort numérique » : en cas de décès, les ayants droits auront la possibilité de régler la succession et de répartir les biens de famille (photos, vidéo, textes…) laissés par le défunt sur internet et les réseaux sociaux. Il leur appartiendra de clôturer les sites et comptes, sauf si le défunt s’y est opposé explicitement.

– la création d’un droit à l’oubli pour les mineurs, permettant d’effacer plus rapidement des photos ou propos déplaisants publiés sur les réseaux sociaux ;

– le renforcement de la lutte contre le « cyber harcèlement », qui touche sévèrement les jeunes internautes, et la pénalisation du phénomène du « porn revenge », qui consiste à mettre en ligne des photos ou vidéos intimes sans le consentement des personnes concernées ;

– le droit à un maintien de la connexion internet en faveur des personnes en difficulté financière, via l’extension du dispositif d’aide de la collectivité existant en matière de fourniture d’électricité, de gaz et de téléphonie fixe. En cas de non-paiement des factures, le texte prévoit que le service d’accès à internet sera maintenu (possibilité pour l’opérateur de restreindre le service) jusqu’à ce que le fonds de solidarité pour le logement, qui dispose d’un délai de 2 mois, ait statué sur la demande d’aide.

Je trouve quelque peu déplacé de considérer l’accès à Internet comme aussi indispensable et vital que l’accès à l’eau ou encore à l’électricité.

Le texte permettra en outre le développement de nouveaux usages et services : dons par SMS, compétitions de jeux vidéo, lettre recommandée électronique ou encore coffre-fort numérique.

Enfin, le texte a porté une attention particulière aux publics les plus fragiles avec l’adoption de deux mesures déjà présentées dans mes lettres précédentes : le dispositif d’accès des sourds et malentendants aux services téléphoniques et la nouvelle carte mobilité inclusion.

Retrouvez ici le dossier législatif sur le site du Sénat