Lagrave, une gestion patrimoniale gagnante

Elu depuis 1983 à la tête de la commune de Lagrave, Max Moulis est « un bâtisseur ». On pourrait même dire de lui qu’il est un « investisseur avisé ». Avec une stratégie d’investissement patrimoniale gagnante qu’il a décliné pendant près de quarante ans, Max Moulis a réussi à développer le patrimoine de Lagrave, tout en rendant le village attractif. Rencontre avec un élu bâtisseur, qui n’a pas fini de construire le futur de sa commune.

La commune de Lagrave est aujourd’hui dotée d’un patrimoine remarquable, avec de nombreux revenus fonciers et locatifs.  Elle a aussi connu un fort développement en passant de 650 habitants dans les années 80 à 2 300 aujourd’hui. Expliquez-nous votre démarche.

Effectivement, Lagrave possède aujourd’hui une réserve foncière constructible relativement importante et notre commune a fait de nombreux investissements locatifs qui assurent des compléments de revenus stables. Logements, locaux professionnels, maison de retraite, maison de santé, groupe scolaire, salle de sport… Nous investissons depuis 40 ans pour donner à Lagrave les moyens de son développement.

Pour rentrer plus en détail, notre commune possède actuellement une trentaine de logements locatifs et une dizaine de locaux commerciaux. Je précise que tous les commerçants sont logés dans des bâtiments communaux.

Lagrave a aussi construit la maison de santé qui héberge 11 professionnels de santé, la maison de retraite et la crèche. Nous louons ces espaces à des prestataires de services.

Nous avons aussi investi dans de nombreux terrains viabilisés que nous revendons sans intermédiaire, en direct, de manière à éviter d’éventuels frais d’agences ou l’intervention de promoteurs immobiliers.

C’est vrai que notre commune est aujourd’hui bien équipée et attractive ! Mais cela n’a pas toujours été le cas. Nous avons conduit une action de long-terme.

Justement, comment avez-vous développé le potentiel de la commune ?

J’ai eu la chance d’être élu et réélu depuis 1983. A l’époque j’étais fonctionnaire dans les services fiscaux et j’avais un ancrage fort dans la commune. Mon père y était boulanger.

Donc au départ, nous avons mis en place une démarche en trois temps que j’appelle « D.O.P.A.» (diagnostic, objectif, plan d’action). Nous avons analysé la situation de la commune, son patrimoine et le diagnostic a été assez sévère. Seule une épicerie existait. Nous avons identifié ses atouts, ses faiblesses et surtout où on voulait aller.

Sur cette base de réflexion, nous avons mis en place un plan d’action.  Nous sommes partis du constat que pour se développer il fallait avoir des commerces de proximité, et des services pour attirer de nouveaux habitants.

Nous avons pas mal communiqué, organisé des réunions pour demander l’avis des uns et des autres. Et puis nous avons commencé par réhabiliter des bâtiments communaux, parfois désaffectés, pour les transformer en logements.

Ensuite, la commune s’est lancée dans l’acquisition de terrains au centre du village pour installer des commerces de proximité ou des services de santé comme la pharmacie. C’est ainsi que nous avons commencé nos investissements locatifs.

Je pense que notre plus grand projet a été l’acquisition d’une propriété agricole pour y installer la maison de retraite et un lotissement.  Aujourd’hui elle accueille 90 lits et autant d’emplois ont été créés.

Toujours dans cette logique de nous appuyer sur le patrimoine existant -en l’occurrence un presbytère et l’ancienne école libre – nous avons aussi construit un groupe scolaire, qui accueille aussi une classe d’enfants en situation de handicap.

Parallèlement, une salle de sport a été créée et une zone de loisir autour d’un plan d’eau, accessible aux personnes en situation de handicap.

Les projets ont été nombreux ! Quelle est votre botte secrète ?

Du travail et 40 ans de mandat à la tête de la commune ! Nous n’aurions pas pu envisager et réaliser ces projets sur seulement deux mandats. La continuité nous a permis de nous projeter et de penser sur le long terme.

Votre gestion communale est au croisement entre les logiques de service public et les logiques d’investisseur avisé. Quel est votre objectif en construisant ainsi le patrimoine de la commune ?

L’attractivité de la commune est au cœur de notre projet. Notre objectif est que le maximum de personnes vienne à Lagrave. Qu’ils y habitent, qu’ils inscrivent leurs enfants à l’école, qu’ils passent les déposer à la crèche, qu’ils viennent y faire leurs courses ou se soigner, nous souhaitons garder une sorte de vitalité.

Nous avons quelques indicateurs : Nous délivrons en moyenne une vingtaine de permis de construire par an et nous adaptons l’offre de terrain constructible en fonction de la demande. Et nous nous fixons comme objectif d’avoir 250 enfants scolarisés au sein de la commune.

Pour les habitants, c’est aussi très positif. D’abord, ils ont accès à des commerces de proximité ou des services de santé en milieu rural et ils bénéficient d’une fiscalité raisonnable.

Votre approche vous a permis de diversifier les ressources de votre commune ? C’est important pour vous de ne pas dépendre uniquement des ressources fiscales ou des dotations de l’État ?

Oui absolument. C’est un peu le fondement de notre démarche. Le volume de nos revenus fonciers nous permet de ne pas dépendre exclusivement des dotations de l’Etat ou des ressources fiscales de la commune. Et puis il y a d’autres vertus.

Pour notre personnel technique et administratif, comme pour les élus, il n’y a pas de routine. On leur propose des tâches diversifiées. Tout le monde se sent concerné et s’implique. Et cela valorise le personnel.

En quarante ans de mandat, vous avez bien dû rencontrer des obstacles…

Au départ, je dois dire que la négociation a été serrée avec les banques pour obtenir des financements. Les taux étaient moins attractifs que ceux d’aujourd’hui. Mais nous avions de bons arguments. Même chose pour démarrer l’acquisition de terrain au cœur du village. Il a fallu convaincre les propriétaires de les céder à la commune et trouver les bons arguments.  

En 2019, votre commune de Lagrave a été récompensée au niveau national par le trophée « Fier de ma commune ». Lancé par l’Association des maires de France, ce prix récompense les initiatives de communes qui améliorent le quotidien de leurs habitants et démontrent les capacités d’innovation des maires et de leurs équipes. Bravo !

Oui, c’était une belle reconnaissance. Nous avons été distingués dans la catégorie « aménagement et cadre de vie ». C’était la première édition du prix et 570 dossiers avaient été déposés. Il faut dire aussi que la moitié des dossiers avaient été déposés par des communes de moins de 10 000 habitants. Nous sommes allés à la Maison de la Radio pour recevoir le prix. C’était aussi une belle occasion pour s’inspirer et faire la rencontre d’autres élus dont les efforts avaient été salués à d’autres niveaux comme l’environnement, les mobilités, le numérique, la participation citoyenne, la solidarité, etc.

Quel conseil donneriez-vous à une autre commune qui souhaite se lancer dans une démarche comme la vôtre et investir dans le patrimoine communal ?

D’abord, mon premier conseil serait de mettre en place le plan D.O.P.A. pour effectuer un diagnostic de départ. Quel que soit la taille de la commune, il faut analyser ses atouts et ses inconvénients et ne rien laisser de côté. Je vois de nombreuses communes qui disposent de locaux qui tombent en ruine. Il faut les rénover ! Ne serait-ce qu’un presbytère. Il peut accueillir 2 ou 3 logements. Il ne faut pas laisser des locaux communaux à l’abandon. Voilà mon conseil. Commencer petit n’est pas une mauvaise chose. Même si vous investissez dans 2 ou 3 logements locatifs, avec l’effet de levier, vous commencez tout de même à constituer votre capital. Je conseillerai donc l’investissement locatif.

Bien sûr, il faut investir utile et ne pas faire de piscine ou de salle de sport sans raison évidente…

Avez-vous d’autres projets actuellement sur la table ?

Oui, nous sommes toujours en mouvement et nous avons plusieurs projets : un lotissement communal, dont les travaux vont bientôt commencer ; un café est aussi en cours d’aménagement ; des halles couvertes avec un local associatif et une salle des fêtes.

C’est un perpétuel chantier !

Oui. Il faut toujours progresser et pérenniser les commerces et accompagner le développement de la commune.