La mission du Sénat sur le vote par correspondance rend ses conclusions

La mission d’information sénatoriale de la commission des lois du Sénat a rendu ses conclusions sur la faisabilité du vote à distance. Système de procurations, vote par correspondance « papier » et vote par internet, la mission a exploré les opportunités et les limites de ces modalités qui pourraient nous permettre de nous adapter à la crise sanitaire et de renforcer la participation.

J’avoue regretter la très grande prudence de mes collègues à l’égard du vote par correspondance qui me paraîtrait une solution complémentaire à la fois si la pandémie devait se poursuivre mais aussi pour favoriser la participation

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En moins d’un mois, la mission – dont je fais partie et composée de 9 sénateurs issus de l’ensemble des groupes politiques – a entendu 28 parties prenantes (administration, élus locaux, universitaires, professionnels du secteur postal, etc.). Nous avons également recueilli la contribution de 43 présidents de région et de département et s’est appuyée sur les exemples étrangers (dont l’Allemagne, les États-Unis et la Suisse).

La mission d’information propose de faciliter le vote par procuration pour les élections régionales et départementales de 2021 mais constate que les conditions matérielles et de sécurité ne sont pas réunies pour organiser un vote par correspondance « papier » en toute sérénité.

Les conclusions de la mission d’information se déclinent en quatre axes.

Réaffirmer la primauté du vote à l’urne

Pilier de notre tradition démocratique, le vote à l’urne doit rester la priorité, en suivant le protocole sanitaire mis en place pour le second tour des élections municipales de juin 2020.

Les efforts doivent se poursuivre pour lutter contre la « mal-inscription » : environ 7,6 millions de Français sont inscrits dans un bureau de vote éloigné de leur domicile (étudiants, jeunes actifs, etc.) et ont une propension trois fois plus importante à l’abstention.

La mission d’information a rejeté l’idée d’une ouverture anticipée des bureaux de vote – par exemple du lundi au dimanche – qui serait difficile à gérer pour les communes et qui n’empêcherait pas les « pics de fréquentation » dans les bureaux de vote.

L’extension du vote par procuration

La mission propose d’étendre le vote par procuration, qui est devenu un mode d’expression habituel pour les Français (995 463 procurations ont été enregistrées pour les élections municipales de 2020).

L’objectif est ainsi d’encourager la participation des électeurs, et notamment des plus vulnérables.

Concrètement, les électeurs pourraient détenir deux procurations, contre une seule actuellement. Ils pourraient par exemple voter au nom de leurs deux parents ou grands-parents.

En outre, les électeurs pourraient plus facilement établir leur procuration depuis leur domicile, en évitant des temps d’attente dans les commissariats de police et de gendarmerie. Il reviendrait ainsi à l’État de créer un véritable service public des procurations, accessible aux électeurs qui ne peuvent pas se déplacer jusqu’au bureau de vote.

Ces mesures pourraient s’appliquer dès les prochaines élections régionales et départementales de 2021 et être pérennisées dans notre droit électoral.

Expérimenter le vote postal, sans pouvoir le mettre en œuvre pour les élections régionales et départementales de 2021

Le vote par correspondance « papier » implique de mettre en place une « chaîne logistique » très lourde, faisant intervenir une multitude d’acteurs : « routeurs », services postaux, électeurs, préfectures, tribunaux judiciaires, communes, etc.

La mission a considéré que 5 conditions devaient être réunies pour assurer sa réussite : (1) envisager le vote postal comme un dispositif complémentaire du vote à l’urne, (2) organiser la confection et l’acheminement des plis, (3) garantir la sécurité du dispositif en vérifiant l’identité des électeurs et le suivi des plis, (4) refondre le calendrier électoral, en prévoyant notamment deux semaines entre les deux tours de scrutin, (5) réorganiser les bureaux de vote et le dépouillement.

Dans le même temps, elle a jugé que ces conditions ne seront pas réunies d’ici les élections régionales et départementales de 2021 que le vote par correspondance « papier » ne fait pas consensus.

Sur les 43 présidents de région ou de départements consultés par la mission d’information, seuls 21 % se déclarent favorables à cette modalité de vote pour les prochaines élections. La majorité d’entre eux craint un risque de fraude.

J’aurai personnellement tendance à être plus ouvert au vote par correspondance comme un mode de vote complémentaire.

Il y a d’abord l’idée de répondre à la pandémie, la démocratie ne pouvant pas s’arrêter pendant une situation de pandémie mais il ne faut pas perdre de vue l’impressionnante baisse de la participation électorale enclenchée maintenant depuis une trentaine d’années.

Elle donne lieu à la situation où les 3 scrutins intermédiaires du présent quinquennat ont connu une participation inférieure à la moitié.

Pour les dernière élections municipales, l’abstention a été de plus de 57 % et elle était de plus de 52 % lors du premier tour des législatives de 2017.

Il sera donc intéressant de mesurer l’impact que pourrait avoir la mission du vote par correspondance sur le niveau de participation.

Philippe Bonnecarrere

Expérimenter le vote par correspondance à l’échelle locale

La mission a conclu que le vote par correspondance « papier » ne pouvait pas être mis en place dès les élections régionales et départementales de 2021, en raison du manque de consensus politique, des contraintes organisationnelles et des obstacles techniques.

 En revanche, à moyen terme, des expérimentations pourraient être menées sur des consultations locales, avec la collaboration de l’État, des collectivités territoriales et des acteurs de la chaîne logistique.

Ces expérimentations devront mettre en œuvre des moyens techniques destinés à surmonter les difficultés pratiques du vote postal et garantir la sincérité du scrutin (acheminement des plis, sécurisation du dispositif, refonte du calendrier électoral, réorganisation des bureaux de vote et du dépouillement).

Poursuivre les efforts pour sécuriser le vote par Internet

Si le vote par Internet est largement utilisé pour les élections professionnelles, son extension aux élections politiques nécessite davantage de garanties. Seuls les Français de l’étranger en bénéficient aujourd’hui car ils sont parfois éloignés de plusieurs centaines de kilomètres de leur bureau de vote.

Cinq conditions doivent être réunies pour assurer la réussite du vote par Internet : (1) se prémunir contre les cyberattaques, (2) s’assurer de l’identité des électeurs, (3) garantir l’accessibilité de la plateforme de vote, (4) prendre acte de la suppression du rituel républicain, (5) assurer la transparence des résultats.

Constatant que ces conditions ne sont pas réunies, la mission d’information préconise de poursuivre les efforts pour sécuriser le vote par Internet, en commençant par sécuriser « l’identité numérique » des Français.

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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