Que peut faire notre pays sur le retour des djihadistes ? Cette question m’est souvent posée et l’est par la presse . Les chiffres donnés il y a 1 an correspondaient à 1500 personnes ayant quitté le sol français pour faire le djihad dont 1/3 étaient décédés , 1/3 prisonniers des Kurdes et 1/3 rentrés en France. Ce dernier tiers a été systématique judiciarisé pénalement au fur et à mesure tant que pour les combattants hommes que pour les femmes.
Le nombre de djihadistes décédés a fortement augmenté lors de la dernière bataille marquant la chute du groupe de l’État islamique en Syrie, à Baghouz avec en particulier la mort des frères Clain. Les drones et les canons Cesar depuis le territoire Irakien ont fait leur œuvre sur laquelle il n’y a pas lieu d’épiloguer.
Les prisonniers sont à l’heure actuelle plutôt des femmes, souvent avec des enfants mais des combattants de Daech sont prisonniers soit des Kurdes en Syrie, soit des Kurdes en Irak ou de l’État Irakien soit des autorités Turques. Notre pays ne peut pas accepter que ces prisonniers partent un jour dans la nature … et puissent représenter un danger.
La position Française est que ces personnes, hommes et femmes, soient jugées au plus près du lieu où ils ont commis leurs crimes. L’enjeu de la « gestion » des combattants de Daech est traitée autant que possible dans le cadre de la coalition anti – Daech.
Soit nous pouvons trouver une solution avec les autorités locales, soit nous devrons accepter les rapatriements avec des incarcérations immédiates sur le sol français.
Ne le cachons pas : les autorités françaises préféreraient la première solution, mais le retrait des forces spéciales américaines, non concerté avec les Européens, a mis gravement en cause la sécurité de nos propres forces spéciales à continuer à accompagner les Kurdes eux-mêmes attaqués en Syrie par les forces Turques.
L’État Irakien avait dans un premier temps accepté les transferts de prisonniers sur son sol et accepté de les juger mais résiste maintenant à de telles demandes, étant lui-même soumis à des troubles graves.
La Cour Pénale Internationale n’est-elle pas en mesure de juger les djihadistes ?
La première idée que j’entends souvent dans le Tarn serait de donner compétence à la Cour Pénale Internationale et de juger aux Pays-Bas à La Haye ou sous l’égide de la Cour Pénale Internationale sur place.
Cette idée ne fonctionne malheureusement pas.
La Cour Pénale Internationale est issue d’un traité international appelé le « Statut de Rome » entré en vigueur le 1er juillet 2002 et ratifié à ce jour par un peu plus de 60 États. Le Statut de Rome donne vocation à la Cour Pénale Internationale de juger des crimes de génocide, des crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Il est difficile de faire rentrer les actes commis par les combattants de Daech dans la zone Irako-Syrienne dans l’une de ces catégories.
A supposer que l’on puisse faire rentrer leurs actes atroces dans la catégorie des crimes contre l’humanité, la CPI est compétente à l’égard des actes commis sur le territoire d’États parties au Statut de Rome ou des actes commis par les ressortissants de ces mêmes États. Ni la Syrie, ni l’Irak ne sont signataires du Statut de Rome!
Le plus ennuyeux concerne la compétence. Selon le Statut de Rome, la compétence de la Cour Pénale Internationale est soumise au principe de subsidiarité, de sorte que sont recevables devant elle uniquement les affaires que les États compétents ne sont pas en mesure de juger. Or, en l’espèce la France, comme le Royaume-Uni, la Belgique ou encore l’Allemagne … disposent d’un arsenal antiterroriste important qui leur permet de juger les ressortissants, pour ce qui nous concerne français , ayant combattu en zone syro-irakienne.
Je voudrais aussi attirer l’attention de chacun sur le fait que la zone concernée est largement la Syrie dont les dirigeants pourraient considérer qu’ils ont vocation à être les premiers concernés par une Cour Pénale Internationale et par la notion de crime contre l’humanité! Je suis convaincu que la Syrie n’acceptera pas que la CPI intervienne sur son sol.
Le transfert des djihadistes vers l’Irak
C’est parce que tout le monde est arrivé à la même conclusion, quel que soit le pays, que notre Gouvernement travaille sur une deuxième piste à savoir transférer le maximum de djihadistes sur l’Irak , pays souverain qui a pu accepter d’en emprisonner un certain nombre et d’en juger d’autres.
Les difficultés actuelles de l’Irak rendent cette solution compliquée malgré les efforts des autorités françaises.
Chacun a en tête d’essayer de préserver dans la zone non occupée par la Turquie la capacité des Kurdes à conserver le maximum de prisonniers. Cela suppose l’accord de la Syrie, ce qui manifestement lui donnera un levier, voire même un moyen de chantage vis-à-vis des pays Européens, ce qui n’enchante personne.
Faute de CPI ou de Tribunal Pénal International spécifique, une autre piste serait une « sorte de machin » ou « d’entité spécifique plus ou moins internationale » dans laquelle des magistrats jugeraient des Français suivant leur droit , des allemands suivant le droit Allemand , des Anglais leurs toujours selon le droit britannique … avec exécution des sanctions sur place.
Tout ceci n’est bien sûr pas simple à mettre en œuvre.
Des rapatriements individuels vers la France
La dernière piste consiste à gérer des rapatriements de manière quasi-individuelle ce qui est la solution que nous oblige à mettre en œuvre la Turquie.
La Turquie a arrêté un certain nombre de djihadistes dans la période récente, notamment des personnes ayant réussi à s’échapper à la faveur de la confusion ayant suivi l’intervention de l’armée Turque.
Le Président Erdogan a indiqué qu’il entendait renvoyer ces nationaux dans leurs pays d’origine, ce qui a commencé à être fait pour 7 d’entre eux (des femmes et des enfants) dans le cadre d’un protocole dit Cazeneuve ( ce n’est pas la première fois ) avec judiciarisation à l’arrivée pour les mères. S’agissant des mineurs, situation horrible, le dispositif diffère en fonction de l’âge de l’enfant et de sa participation éventuelle sur zone à des combats ou entraînements .
Notre pays fait le maximum dans le cadre de son combat contre le terrorisme qui va encore durer de longues années. Il est possible que le danger puisse venir à l’avenir d’anciens djihadistes non français mais qui considéreraient que la France serait une cible prioritaire ou plus médiatique.