Brexit : J-127

Point d’étape au 22 novembre 2018 

À l’issue de la rencontre du 21 novembre entre Theresa May et Jean-Claude Juncker, l‘UE et le Royaume-Uni ont trouvé jeudi 22 novembre un accord provisoire sur leur relation future .

Ce projet de « déclaration politique », préparé par les deux équipes de négociateurs, ayant vocation à être annexé à l’accord de retrait, a été transmis aux capitales européennes et a été  présenté jeudi 22 novembre par la Première Ministre au Parlement britannique. Il a été approuvé par le Conseil européen le 25 novembre.

1. La situation au Royaume-Uni

Après une semaine de crise, la situation de Theresa May s’est (temporairement?) stabilisée dans l’attente du Conseil européen du dimanche 25 novembre. La Première Ministre mise sur la déclaration politique sur la relation future entre le Royaume-Uni et l’UE pour faire évoluer la position des parlementaires britanniques et créer une dynamique favorable. L’exécutif espère obtenir des Européens des concessions permettant de limiter les critiques des adversaires de l’accord portant principalement sur : le caractère indéfini de l’arrangement douanier, la juridiction de la Cour de Justice de l’UE, les conséquences politiques du « filet de sécurité ».

2. Les inquiétudes des 27 États membres

Un accord provisoire concernant la future relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne a été présenté le 22 novembre. Dépourvu de valeur juridique, il est destiné à fixer le cadre de négociations sur la relation future. Présenté sous la forme d’une déclaration politique, il devrait être annexé à l’accord de retrait. Il prévoit notamment la possibilité de proroger de deux ans la période de transition censée se terminer le 31 décembre 2020.

Plusieurs points restent toutefois en discussion entre les 27 États membres :
– Gibraltar : le gouvernement espagnol réclame un droit de veto dans les négociations à venir concernant l’enclave britannique ;
– Pêche : plusieurs États membres, dont la France, plaident pour des engagements supplémentaires dans le cadre de la « déclaration politique » afin de garantir l’accès de leurs pêcheurs aux eaux territoriales britanniques ;
– Dumping économique : certains États membres craignent que les « clauses de non-régression » sur le respect des règles de l’union douanière prévues dans l’accord n’ouvrent la voie au risque de dumping économique de la part des Britanniques en matière fiscale, sociale et environnementale.

Focus : la procédure parlementaire britannique applicable pour l’adoption de l’accord de retrait du Royaume-Uni
1- Procédure pour le vote du projet d’accord de retrait
La loi prévoyant la procédure de ratification de cet accord, le European Union (Withdrawal) Act de 2018 dispose que tant l’accord de retrait que la déclaration sur la relation future entre le Royaume et l’Union seront mis au vote aux Communes à travers une motion présentée par l’exécutif. Un premier vote doit définir la procédure parlementaire applicable (seul le principe est posé dans la loi de retrait de l’UE, le Parlement doit définir quelle est la procédure, situation sans précédent en droit parlementaire britannique). Cette procédure, qui n’est pas encore définitivement arrêtée, devrait donc sans doute se dérouler en 3 étapes :
Étape 1 ( fin novembre?) : Une motion de procédure est présentée par le gouvernement aux Communes, pour définir les conditions dans lesquelles le vote sur l’accord se déroulera ;
Étape 2 (vers le 10 décembre ?). Vote sur l’accord final (« meaningful vote »). Le projet d’accord est soumis aux Communes, avec, à ce stade, plusieurs scénarios possibles : mise aux voix sans débat préalable sur les éventuels amendements, contrairement à la coutume parlementaire ; débat d’amendements ; ou vote de résolutions avant la motion.
Étape 3 : Les deux chambres du Parlement, Communes et Lords, votent la mise en œuvre de l’accord par une motion habilitant le gouvernement à prendre les dispositions relatives à la sortie du Royaume-Uni. Ce vote suivra les procédures usuelles de droit commun applicables aux projets de loi émanant de l’exécutif.

2- Quel est aujourd’hui le rapport de forces ?
La plupart des analystes considèrent que la Première ministre Theresa May n’est pas assurée à ce stade d’avoir la majorité requise (320 voix) pour l’adoption de l’accord de retrait, comme le montre la démission de sept ministres dont deux membres du cabinet le 15 novembre et l’opposition à la fois des députés conservateurs eurosceptiques, des députés travaillistes et des unionistes nord-irlandais. L’évolution du contenu de la déclaration politique sur la relation future entre le Royaume-Uni et l’Union européenne est vue à Londres comme capitale pour faire évoluer la position des parlementaires et créer une dynamique en faveur du vote.

3- Que se passera-t-il si le projet d’accord est rejeté par les Communes ?
En cas de rejet de l’accord, le Parlement a obtenu que le Gouvernement se prononce devant les Communes sur la marche à suivre dans le cadre des négociations avec l’Union Européenne. Le gouvernement dispose alors de 21 jours à compter du vote de rejet pour présenter sa feuille de route. En pratique, les conséquences d’un éventuel rejet dépendront de la capacité de la Première ministre Theresa May à se maintenir à la tête de l’exécutif britannique. Si des élections anticipées peuvent constituer une option, certains observateurs estiment que Mme May pourrait également rester en fonctions à la tête d’un gouvernement remanié et constater l’impossibilité d’aboutir à un Brexit, faute d’accord sur les conditions de retrait.

4- La Première ministre peut-elle être destituée ?
Les règles internes au parti conservateur fixent les conditions de destitution, lors d’une procédure en deux temps :
1. Pour déclencher la procédure de destitution, il est nécessaire que 15% des députés conservateurs, soit 48 sur 318, envoient des lettres de « no-confidence » au comité du parti, le « Comité 1922 ». Puisqu’il n’y a pas d’obligation pour les signataires de rendre leurs lettres publiques, tant que le seuil des 15% n’a pas été franchi, seul le président du comité en connaît le décompte précis à un moment donné.

A ce stade, les députés conservateurs du groupe ERG (European Research Group) menés par Jacob Rees-Mogg ont échoué à rassembler les 48 députés nécessaires pour déclencher un vote de défiance interne au parti conservateur contre la Première ministre. D’après la presse, seuls 26 députés ont indiqué publiquement l’avoir demandé.

2. Une fois cette proportion atteinte, une motion de défiance est présentée aux députés du parti qui sont appelés à voter en faveur ou contre la motion. Dans le cadre parlementaire actuel, une majorité de 160 députés conservateurs suffirait pour provoquer la destitution de la Première ministre.
Si son « leadership » est confirmé, une nouvelle motion de défiance ne peut avoir lieu au cours des 12 mois suivants.

Les prochaines échéances :
– 13-14 décembre 2018 : Conseil européen
– 30 mars 2019 : Sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne