Projet de loi relatif à la sécurité publique

Le Sénat a adopté ce mardi 24 janvier, en 1ère lecture et en le modifiant, le projet de loi relatif à la sécurité publique.

Ce dernier texte sécuritaire du quinquennat vise à renforcer la sécurité juridique des opérations réalisées par les forces de l’ordre entendues au sens large (policiers, gendarmes, douaniers et militaires de l’opération « Sentinelle », …) et à rendre plus effectifs certains aspects de mesures sécuritaires déjà établies.

Les mesures portées par ce texte, dans une large mesure, « remontent du terrain » et ou des mouvements spontanés de policiers.

Il s’agit au global d’un texte plus ambitieux que nous le pensions initialement et qui comporte tel qu’il ressort de son examen par le Sénat plusieurs mesures pratiques et pertinentes, à l’image de celles visant à :

  • unifier le cadre applicable aux policiers et aux gendarmes en matière d’usage des armes à feu.

Cette mesure a été au cœur des manifestations de policiers. Son efficacité , fortement soutenue par les uns, est difficile à apprécier puisque le fait de tirer reste soumis à un principe de proportionnalité dont j’imagine assez volontiers que l’interprétation par la Justice va peu varier.

J’aimerais connaître votre avis sur cette mesure et vous propose de consulter l’article dédié dans cette Lettre, qui vous dirigera vers un questionnaire très rapide à compléter ;

Le Sénat a étendu aux policiers municipaux autorisés à porter une arme le bénéfice de ces nouvelles dispositions communes en matière d’usage des armes à feu, ainsi que le bénéfice d’une extension aux cas de « périple meurtrier ». Au regard des débats sur ces points dans l’hémicycle, il y a peu de chances qu’ils soient maintenus par l’Assemblée.

  • autoriser les gendarmes et policiers, dans le cadre de procédures particulières où ils sont amenés à être signataires d’actes, à s’identifier par un numéro d’immatriculation administrative en lieu et place de leur état civil ;

Il s’agit ici d’étendre aux agents liés à une procédure en matière de terrorisme l’anonymat dont bénéficient, pour leur protection, les agents des services spécialisés de lutte contre le terrorisme par exemple chargés de l’instruction des dossiers.

Le nombre de procédures concernées sera très limité (0, 5 % peut-être des dossiers).

  • permettre aux agents de sécurité privée protégeant des personnalités exposées à des risques exceptionnels d’être armés (c’est aujourd’hui interdit) ;

Il s’agit donc d’une possibilité très encadrée appréciée au cas par cas par le ministre de l’Intérieur. C’est néanmoins inédit en France. J’avoue ne pas bien voir quelles situations peuvent être en pratique concernées, sauf à considérer que l’Etat voudrait réduire le nombre d’agents du service spécialisé du Ministère de l’ Intérieur affectés à de telles tâches.

  • écarter des emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens les personnes dont le comportement donne des raisons sérieuses de penser qu’elles seraient susceptibles, à l’occasion de leurs fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l’ordre publics ;

La mesure vise précisément les personnes déjà en poste, le cas des individus étant seulement « candidats » à un tel poste étant déjà traité efficacement par la même mesure, ainsi complétée. Elle me semble de bon sens.

Doublement des peines pour actes d’outrages et de rébellion

  • doubler les peines encourues en cas d’outrage aux personnes dépositaires de l’autorité publique (6 mois d’emprisonnement et 7.500 euros actuellement), pour les aligner sur celles prévues en cas d’outrage à magistrat (1 an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende) ; Les peines encourues en cas d’outrage commis en réunion ou en cas de rébellion seraient également doublées  (2 ans et 30.000 euros d’amende) ;

Je partage volontiers ces mesures, le nombre d’outrages étant très important (plus de 17.000 condamnations en 2016!). Le respect intangible du policier ou du gendarme est pour moi primordial et intangible .

Se préparer au « retour » des combattants

  • renforcer l’efficacité pratique du contrôle administratif des « retours », qui permet de contrôler les personnes ayant quitté le territoire national et dont il existe des raisons sérieuses de penser que ces déplacements avaient pour but de rejoindre un théâtre d’opérations de groupements terroristes. Aujourd’hui, cette mesure de police administrative est automatiquement abrogée dès qu’une poursuite judiciaire est engagée.

Problème : des individus visés par une poursuite judiciaire peuvent tout à fait être « dans la nature ». Le texte comble ce vide en prévoyant que le contrôle administratif du retour n’est levé que si les poursuites concernent des actes de terrorisme et sont accompagnées de mesures privatives ou restrictives de liberté.

Cela permet en bref de doubler les contrôles soit par la voie administrative, soit par la voie judiciaire pour qu’il n’y ait pas de  » trou dans la raquette ou le filet  » des retours. La question des retours, avec la disparition progressive de Daesch en Syrie et en Irak, est l’enjeu majeur actuel en matière de terrorisme pour notre pays. Le risque terrroriste est clairement là.

La sécurité pénitentiaire renforcée

  • autoriser certains personnels des équipes de sécurité pénitentiaire à intervenir en tout lieu de l’établissement pénitentiaire en cas de risques d’infraction portant atteinte à la sécurité de l’établissement et pour lutter contre les trafics d’objets illicites en prison ;

Ces nouvelles prérogatives, également attendues par les personnels concernés, leur permettront par exemple de contrôler les personnes autres que les détenus (justifications d’identité, palpations de sécurité, inspection visuelle des bagages, …) ;

Le Sénat a également modernisé le cadre juridique relatif à l’usage des armes par les agents de l’administration pénitentiaire, notamment au regard de leurs nouvelles missions en matière d’extractions judiciaires ;

Autres modifications notoires apportées au texte par le Sénat

Enfin, le Sénat a également introduit au texte :

  • l’élargissement des prérogatives des membres de la réserve civile de la police nationale ;
  • la possibilité de porter jusqu’à 6 ans (contre 5 ans actuellement), à leur demande, la durée maximum de service des volontaires de la gendarmerie nationale ;
  • autoriser les policiers municipaux à procéder à des palpations de sécurité lorsqu’ils sont affectés à la sécurité de manifestations ou à la surveillance de l’accès à un bâtiment communal ;
  • un dispositif permettant d’autoriser les services spécialisés de renseignement à avoir accès, sous conditions et sur décision de l’autorité judiciaire, à des éléments de procédures pénales qui concernent une ou plusieurs infractions terroristes ;
  • l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) les infractions aux obligations s’appliquant aux individus revenant de théâtres étrangers d’opérations terroristes, afin de renforcer le suivi de ces individus.