La publication du rapport « Accord UE-Turquie du 18 mars 2016 : une réponse fragile, ambiguë et partielle à la question migratoire« conclut plusieurs mois de travaux menés par la mission commune d’information créée par le Sénat suite à la signature de cet accord controversé.
Je vous avais informé en mai (ici) de ma participation à cette mission commune d’information, chargée d’examiner les conditions de mise en œuvre de l’accord passé le 18 mars dernier entre l’Union européenne et la Turquie pour endiguer l’afflux de réfugiés et de migrants de la Turquie vers la Grèce, ainsi que la position de la France à l’égard de cet accord.
Ce rapport propose un contenu assez complet, pose bien les enjeux et se garde utilement de lier le traitement de cet accord sur les migrants avec les conditions d’adhésion de la Turquie à l’UE, question ô combien sensible et clivante. La politique de l’UE distingue ces 2 questions, l’accord sur les réfugiés ne signifiant pas engagement vis-à-vis de la Turquie et c’est bien mieux ainsi puisqu’il s’agit d’enjeux de nature différente.
Les cris d’orfraie poussés ça et là dès la publication de l’accord – et les différentes interprétations qui ont pu en résulter en particulier sur la position allemande, ont finalement été contrebalancés par les effets positifs constatés sur le terrain. En résumé, l’accord fonctionne plutôt bien, même si sa fragilité « externe » nécessite une vigilance partuclière.
Je vous invite naturellement à consulter ici la synthèse de ce rapport, dont je vous présente les conclusions dans les grandes lignes :
- l’UE a signé dans l’urgence cet accord destiné à endiguer les traversées de la mer Égée et les drames humanitaires qui en découlent (800 noyades recensées en Mer Égée). Dès 2015, la situation de crise est inédite : plus d’1 million de migrants sont arrivés dans l’UE par la mer, dont plus de 850 000 par la Grèce en provenance de la Turquie.
- le caractère de « crise » a été amplifié par l’incapacité des pays européens à s’accorder sur une solution coordonnée, couplée à la fermeture de la « Route des Balkans » qui a eu pour effet d’asphyxier la Grèce, déjà durement éprouvée par la crise économique et financière,
- cet accord, bien qu’imparfait, était nécessaire, compte tenu notamment de la crise humanitaire en Grèce ;
- l’objectif poursuivi est partiellement atteint : effets en termes de flux et amélioration de la situation des réfugiés grâce au versement de l’aide financière à la Turquie (3 milliards d’euros initiaux) ;
- l’accord apparaît néanmoins très fragile : nous ne pouvons totalement exclure une reprise des arrivées du fait de la persistance de l’activité des réseaux de trafiquants et des menaces récurrentes de la Turquie de réactiver les traversées ;
- Revenant sur les « contreparties politiques » que sont la libéralisation des visas sous la réserve de plusieurs conditions préalables et la relance des négociations d’adhésion, le rapport estime que l’application de l’accord ne doit pas conduire à assouplir les conditions initialement posées à la mise en oeuvre de ces processus politiques et plaide pour leur dissociation ;
J’ajoute à titre personnel que la question de l’adhésion de la Turquie ne se pose pas et ne se posera pas.
Elle supposerait l’accord des Parlements européens. Un tel accord est exclu, notamment pour le Parlement français.