La promulgation de la loi « Travail », le 8 août 2016 par le Président de la République, clôt 5 mois d’âpres débats et de fortes contestations.
Même si de nombreux décrets d’application doivent encore êtres pris, l’entrée en vigueur des dispositions de cette loi dense va impacter le quotidien des salariés et des entreprises.
Passage en revue des principales mesures définitivement adoptées :
- La modification des congés exceptionnels. Sont créés : un congé pour mariage (4 jours si la mariage concerne le salarié, 1 jour pour le mariage d’un enfant ), un congé pour la naissance d’un enfant (1 jour) ou l’arrivée d’un enfant adopté (3 jours) et un congé de 2 jours pour l’annonce de la survenue d’un handicap chez un enfant, à l’initiative du Sénat. Sont allongés les congés pour le décès d’un enfant (5 jours contre 2 actuellement) ou pour le décès du conjoint ou partenaire de PACS, du père, de la mère, du beau-père, de la belle-mère, d’un frère, d’une soeur (3 jours contre 2 aujourd’hui).
- La primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche en matière d’organisation et de temps de travail, mesure la plus décriée portée par le fameux « article 2 » ; Tout en maintenant à 35 heures la référence légale de la durée hebdomadaire de travail, les accords d’entreprise permettront de :
– majorer entre 10% à 25% les heures supplémentaires (contre 25% aujourd’hui) ;
– porter de 10 à 12 semaines la durée maximale quotidienne de travail (en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise ;
– porter à 46 heures (contre 44 actuellement) sur 12 semaines la durée hebdomadaire de travail.
Ces accords d’entreprise devront être « majoritaires ». Concrètement, pour être valable, un accord d’entreprise devra être signé par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés aux élections professionnelles (contre 30% aujourd’hui).
À défaut de majorité, les syndicats minoritaires représentant au moins 30 % des salariés pourront initier un référendum au sein de l’entreprise afin de faire valider ce même accord (à la majorité des suffrages exprimés). Il s’agit ici de contourner les difficultés pratiques posées lorsque des syndicats majoritaires exercent leur « droit d’opposition » et bloquent la négociation d’un accord.
Enfin, dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, l’employeur pourra conclure un accord d’entreprise avec un élu ou un salarié mandaté (par un syndicat) dans tous les domaines où la négociation collective est ouverte.
- Les branches professionnelles, appelées à se structurer afin d’être moins nombreuses et plus efficaces, conservent la main sur la négociation des sujets hors organisation et temps de travail. Elles sont chargées de négocier un « ordre public conventionnel », c’est-à-dire les normes auxquelles ne pourra pas déroger un accord d’entreprise. Parmi ces sujets « réservés » : le salaire minimum, les classifications, les garanties collectives en matière de protections sociales complémentaires, la pénibilité ou encore l’égalité hommes-femmes.
- La précision dans la loi des critères d’appréciation des « difficultés économiques » justifiant un licenciement économique, en fonction de la taille de l’entreprise : 1 trimestre de baisse « significative » des commandes ou du chiffre d’affaires (par rapport à la même période l’année précédente) pour les TPE, 2 trimestres consécutifs pour les entreprises de 11 à 299 salariés, 3 trimestres consécutifs pour celles de 50 à 299 salariés, puis 4 trimestres consécutifs pour celles de 300 salariés et plus.
- La possibilité pour les TPE de provisionner des fonds pour « risque prud’homal », dès lors qu’elles recrutent un salarié en CDI.
- L’instauration, par accord majoritaire, des « accords offensifs » en faveur de l’emploi (pendants des accords « défensifs » de sauvegarde de l’emploi créés en 2013), permettant aux entreprises d’ajuster pour une durée donnée (5 ans au maximum) leur organisation. Ces accords pourront ainsi déroger aux clauses du contrat de travail, en particulier en matière de temps de travail et de rémunération. Sur ce dernier point, un décret devra préciser les modalités selon lesquelles la rémunération mensuelle ne pourra être réduite.
Le Sénat a tenu à ce qu’un tel accord puisse prévoir une « clause de retour à meilleure fortune », c’est-à-dire les conditions dans lesquelles les salariés bénéficient d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise à l’issue de l’accord.
Les salariés refusant la modification de leur contrat de travail résultant de l’accord s’exposeront à un licenciement pour « motif spécifique », sui generis, et bénéficieront d’un « parcours d’accompagnement personnalisé » assuré par Pôle Emploi et financé pour l’essentiel par l’Etat.
- La création du compte personnel d’activité (CPA), qui regroupera 3 comptes : le compte personnel de formation (le CPF, existant), le compte personnel de pénibilité professionnelle (le « C3P3, existant) puis le compte d’engagement citoyen (nouveau compte visant à recenser les activités bénévoles et volontaires, traduites en VEA et crédits formation) ; Ce nouveau compte devrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2017 pour les salariés (le 1er janvier 2018 pour les indépendants) et sera ouvert aux retraités.
- La généralisation, à compter du 1er janvier 2017, du dispositif de la « garantie jeunes », destiné à offrir, sous conditions de ressources, aux jeunes de 18 à 25 ans en situation de « grande vulnérabilité » (qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en étude) un accompagnement renforcé vers l’emploi (en lien avec les missions locales) et une allocation mensuelle proche de 461 euros versée pendant un an (dégressive à partir de 301 € nets de ressources d’activité perçues, nulle à 80 % du Smic brut). Le coût de cette mesure est important.
- La création d’une aide à la recherche du premier emploi (ARPE), aide financière d’un montant mensuel de 200€ versée pendant 4 mois aux diplômés, en 2016, du CAP ou CAP agricole, du baccalauréat professionnel, du baccalauréat technologique, du brevet des métiers d’art, du brevet professionnel ou brevet professionnel agricole (voie d’apprentissage), du brevet de technicien.
- La refonte du code du travail : une commission spéciale composée d’experts et de praticiens des relations sociales devra proposer au gouvernement d’ici le 9 août 2018 un nouveau code du travail.
- La mise à disposition de locaux au profit des organisation syndicales : les collectivités territoriales ou leurs groupements pourront faire droit à de telles demandes, en fixant les modalités et contributions liées à cet usage. Dans le cas où une organisation syndicale bénéficie de l’usage de tels locaux pendant une durée d’au moins 5 ans, la décision de la collectivité ou de l’établissement de lui en retirer le bénéfice sans lui proposer un autre local lui ouvre droit à une indemnité spécifique, sauf stipulation contraire de la convention. Cette nouvelle mesure ne concernera que les mises à disposition conclues ultérieurement à la promulgation de la loi « Travail ».
Parmi les apports du Sénat maintenus dans la version finale de la loi, citons :
- la mise en œuvre du compte personnel de formation pour les travailleurs handicapés accueillis dans les établissements et services d’aide par le travail ;
- le développement de l’apprentissage dans le secteur public non industriel et commercial ;
- l’obligation d’informer les travailleurs détachés du bâtiment sur leurs droits à l’occasion de la remise de leur carte d’identification professionnelle ;