Résolution sur les salariés détachés dans l’UE

Nous avons adopté la proposition de résolution européenne présentée par notre collègue Éric Bocquet relative au détachement des travailleurs.

Notre idée est, comme souvent, de trouver des accords trans-partisans. J’ai soutenu la position de notre collègue membre du groupe Communiste. Pourquoi ?

La première directive européenne sur le détachement des travailleurs, adoptée il y a 20 ans, a créé un « noyau dur » de règles minimales. Depuis 1996, le contexte a beaucoup changé et le sujet est devenu épineux.

Initialement, la Commission européenne devait proposer un « paquet » sur la mobilité des travailleurs comprenant la révision de la directive de 1996, une révision du règlement de 2004 sur la coordination des régimes de sécurité sociale ainsi qu’une communication sur la mobilité de la main d’oeuvre. Mais les négociations avec le Royaume-Uni sur le futur statut de celui-ci au sein de l’UE ont conduit à repousser la présentation des deux derniers textes.

C’est dans ce contexte que la commission des affaires européennes du Sénat a été saisie de la proposition de révision de la directive de 1996, présentée le 8 mars dernier par la Commission européenne. La modification de cette directive répond au souhait de plusieurs pays, dont la France, mais elle suscite aussi l’opposition de nombreux États membres et en particulier des anciens États d’Europe de l’Est.

Le recours aux travailleurs détachés s’est intensifié sous l’effet des élargissements successifs de l’Union Européenne et de la crise économique et financière. En 2014, l’UE comptait environ 1,9 million de travailleurs détachés, soit 0,7 % de la main d’œuvre totale de l’UE. Les travailleurs détachés étaient donc en 2014 10,3 % plus nombreux qu’en 2013 et 44,4 % plus nombreux plus qu’en 2010. En France, le phénomène a été plus récent, mais l’année 2015 a marqué une forte augmentation.

Originellement, le détachement de travailleurs répond à un seul objectif : pallier un manque de main d’oeuvre dans un secteur précis. Les exemples sont nombreux dans notre département avec le bâtiment, la restauration, la salaisonnerie, les travaux saisonniers agricoles.

Mais l’imprécision de la norme européenne conjuguée à l’absence de contrôles efficients ont progressivement conduit à assimiler cette pratique à un dumping social, pratique déloyale entre pays européens tolérée au nom de la libre prestation de services…

Un dispositif européen adopté en mai 2014 – en cours de transposition par les États membres – a pour objectif de faciliter les contrôles et de mieux faire face à des formes élaborées de fraudes au détachement et de travail illégal.

La révision de la directive de 1996 traite de 4 points majeurs :

– une rémunération plus importante intégrant de nouveaux éléments (degré de qualification, l’ancienneté, les éléments de salaire annexes) et certaines dépenses (logement, nourriture et voyage en lien avec le détachement). En revanche, il apparaît nécessaire que les travailleurs détachés bénéficient des accords collectifs.

– limiter à 24 mois maximum la période de détachement. Au-delà de laquelle le travailleur se voit appliquer les règles du droit du travail du pays d’accueil. Cette règle concernera donc les salariés détachés qui effectuent plusieurs missions dans un même État et dont la durée cumulée dépasse 24 mois. Elle englobe également les cas de remplacements de travailleurs détachés effectuant la même tâche au même endroit (mais uniquement ceux dont la mission aura duré au moins six mois …). En France, la moyenne d’un détachement atteint 47 jours.

– permettre aux États d’imposer à l’ensemble de la chaîne de sous-traitance les mêmes règles de rémunération que celles qui lient le contractant principal. Nous avons indiqué que cette mesure va dans le bon sens mais n’est pas assez clairement définie. Il n’apparaît pas évident qu’un donneur d’ordres puisse obliger ses sous-traitants à appliquer sa convention collective à d’autres entreprises, voire à d’autres secteurs.

– garantir l’égalité de traitement entre travailleurs intérimaires locaux et travailleurs détachés par une société d’intérim d’un autre État membre. L’idée est ici de renforcer la lutte contre les entreprises « boîtes aux lettres » (c’est-à-dire sans activité réelle dans le pays d’envoi) et les phénomènes de « double-détachement » (recrutement par une agence d’intérim d’un pays voisin puis détachement). Le Gouvernement souhaite proposer une double contrainte « 3 mois + 3 mois » : un trimestre d’affiliation et un trimestre d’exercice avant tout détachement. L’idée est intéressante.

Ce sujet occupera une place importante dans les négociations au sein de l’Union européenne dans les mois à venir. C’est un nouvel exemple des efforts à faire pour trouver des accords entre Europe du Nord et Europe du Sud, ou entre Europe de l’Ouest et Europe de l’Est. C’est tout le problème de la réécriture d’un projet européen collectif.

Retrouvez ici le texte de cette résolution sur le site du Sénat