Immigration : le sujet de toutes les tensions

L’immigration est un sujet qui fâche et perturbe notre société : pour les uns ses valeurs, pour les autres son identité. Si le sujet fâche, il ne doit pas moins être abordé. 

Nous n’avons aucune chance de trouver des solutions si nous ne sommes pas capables d’examiner en face les problèmes, sans les exagérer, sans les sous-estimer. 

J’ai proposé  un fil conducteur, comme rapporteur, que je résumerai ainsi : une autorité régalienne forte dans le respect de l’État de droit. 

Quand je regardais les mesures adoptées par les députés, certes en commission des lois uniquement, le fossé me paraissait s’aggraver douloureusement entre le Sénat et l’Assemblée. La situation a depuis empiré puisque l’Assemblée n’a pu examiner le texte et encore moins en adopter un !

À l’heure présente, je ne vois  pas quel pourrait être le terrain d’atterrissage du texte en  CMP sans même parler de son vote définitif. 

Nous avons souhaité relever les critères du regroupement familial, de niveau d’acquisition de notre langue et les conditions d’attribution des allocations familiales et autres APL. L’aide Médicale d’État fait débat non sur les politiques épidémiologiques ou de santé publique mais sur ses imperfections  et notre pays ne peut pas, quasiment seul au monde, proposer un titre de séjour étranger malade

Je ne m’étais pas opposé au rétablissement du délit de séjour irrégulier même sanctionné a minima en ce qu’il permet d’interpeller et de vérifier la situation et constate que même ceci n’est pas accepté. 

Sur la situation des étrangers en situation irrégulière sur notre territoire et qui travaillent, je n’ai pas été opposé avec mes collègues à une régularisation dans les métiers dits en tension à partir d’une résidence de 3 ans en France et d’une durée de travail de 8 mois. 

Dans mon esprit, cette régularisation ne pouvait plus être conditionnée comme dans la circulaire Valls à l’accord préalable par l’employeur sauf à maintenir les personnes irrégulières dans une dépendance malsaine vis-à-vis de l’employeur. 

Nous n’arrivons toujours pas à un accord dans la mesure où les députés de la commission des lois ont  souhaité un titre de plein droit là où nous pensons que les Préfets, doivent pouvoir, en fonction de l’examen global de la situation de l’intéressé, faire du cas par cas. 

La question de la régularisation des sans papier s’est posée à plusieurs reprises durant la Seconde Guerre mondiale. Toutes les régularisations (en 1956, 1973, 1981, 1996, 1997, 2006, 2008 , 2012) sont intervenues par circulaire dans le cadre du pouvoir discrétionnaire des Préfets. Il n’y a jamais eu de titre de plein droit. 

Les 3 régularisations qui ont été faites lorsque la Gauche était au pouvoir en 1981 avec François Mitterrand, 1997 avec Chevènement alors Ministre, 2012 avec Manuel Valls sous la présidence de Monsieur Hollande, l’ont été par circulaires sous l’autorité des Préfets. J’ai du mal à comprendre l’obstination à vouloir un titre de plein droit accordé par les juges. Je reconnais bien volontiers le rôle essentiel des juges pour arbitrer les difficultés dans notre société ou pour préserver les libertés mais je ne vois pas de motif de leur confier la défense de nos frontières ou la gestion des flux migratoires. 

L’idée que les financements de notre pays en matière d’aide au développement soient conditionnés à une responsabilité du pays concerné en matière d’immigration irrégulière et en particulier à l’attribution de laissez-passer consulaires me semblait de bon sens. Nous avons aussi un débat quant au fait de ne plus mettre de mineurs dans les Centres de Rétention Administratif (CRA) qui sont aujourd’hui réservés aux personnes que l’on veut absolument éloigner en raison d’un comportement délinquantiel ou de risque terroriste marqué. Mais il faut pouvoir aussi placer un mineur dans des locaux dits de rétention administrative à l’exemple d’une chambre d’hôtel réquisitionnée ou de salles dans les commissariats ou encore dans un aéroport, pour pouvoir éloigner une famille dont l’un ou les deux parents serai(en)t délinquant(s). 

Si même cela était interdit pour les mineurs, cela revient à ne plus vouloir éloigner de familles. A ce stade, l’écart est important comme il l’est aussi pour le droit de la nationalité et les mineurs non accompagnés (les MNA). 

La levée des protections dites absolues et relatives (celles qui interdisent d’éloigner même si des faits graves ont été commis à l’exemple de celui qui est rentré en France avant l’âge de 13 ans et qui commettrait des faits graves) me semble par contre admis.

La réforme du contentieux des titres de séjour et de la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile) ne fait pas apparaître de fossé trop large.

J’ai toujours essayé en qualité de parlementaire et à fortiori en tant que rapporteur d’un texte, de trouver un terrain d’entente entre l’Assemblée et le Sénat, mais, sur le sujet asile-immigration l’exercice de synthèse est plus qu’ardu. 

Philippe Bonnecarrère