Renforcement du dispositif anti-squatteur : le Sénat réessaie

C’est un dossier dont je vous ai déjà parlé.

Après que le constitutionnel a retoqué le nouveau dispositif de la loi ASAP, renforçant la lutte contre les squatteurs des résidences secondaires, le Sénat a adopté une proposition de loi qui reprend la disposition censurée mais qui va encore plus loin. Le gouvernement, qui souhaite s’en tenir à la version de la loi ASAP, a adressé une instruction aux Préfets pour réformer la procédure d’évacuation forcée en cas de squat de domicile.

Chronologie

Cet automne, je vous annonçais que des dispositions avaient été adoptées dans le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap) pour renforcer la lutte contre les squatteurs des résidences secondaires

L’article 30 ter du texte prévoyait en effet de modifier la loi de 2007 sur le droit au logement opposable (DALO) en étendant la notion de « domicile » (« qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale ») et en renforçant les peines encourues par les squatteurs (trois années d’emprisonnement au lieu d’une, et 45.000 euros d’amende au lieu de 15.000).

Cet article, bien qu’adopté par les deux assemblées a fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel dans sa décision du 3 décembre 2021 : le Conseil a estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

Cette nouvelle proposition de loi (PPL) tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat, reprend l’essentiel du dispositif.

Contenu de la proposition de loi

Elle entend « restaurer les droits des propriétaires » en créant notamment un nouveau dispositif pénal visant à incriminer l’atteinte au droit de propriété en matière immobilière.

Ainsi, la PPL s’appuie sur la modification adoptée par le Parlement lors de l’examen de la loi « ASAP » en augmentant la peine encourue en cas de violation de domicile (article 1er) mais va plus loin en créant une infraction nouvelle d’occupation frauduleuse d’un immeuble (article 2).

  • La proposition de loi étend le champ d’application des dispositions anti-squatteurs non plus seulement aux domiciles (principaux, secondaires ou occasionnels), mais à l’ensemble des biens immobiliers (bureaux, locaux commerciaux, locaux industriels…).
  • Elle renforce les sanctions contre les squatteurs, en les portant à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende ;
  • Elle crée un délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble. Ce délit est constitué si l’auteur des faits s’est introduit dans les lieux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, ce qui permet de viser les squatteurs sans toucher les locataires défaillants. Ce délit sera puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ;
  • Elle crée une contravention sanctionnant spécifiquement la diffusion de « modes d’emploi » du squat ;
  • Elle facilite également la procédure d’expulsion et étend la procédure rapide d’évacuation forcée à l’occupation illicite de tous les locaux à usage d’habitation afin d’apporter une solution en cas de logements squattés avant l’entrée dans les lieux du nouveau propriétaire ou locataire ;
  • Elle permet au préfet de solliciter en urgence l’administration fiscale pour établir le droit du propriétaire de biens squattés.
  • Enfin, le texte adopté prévoit que le juge peut également décider que la personne condamnée pour un squat ne pourra se prévaloir, pendant une durée maximale de trois ans, du droit au logement opposable (Dalo).

L’instruction adressée par le Gouvernement aux Préfets

Lors de l’examen du texte au Sénat, Emmanuelle Wargon, la ministre déléguée en charge du Logement, a indiqué que « le gouvernement souhaite s’en tenir à l’équilibre trouvé dans la loi Asap ».

La proposition de loi ne devrait donc pas être mise à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale.

Toutefois, la Ministre a annoncé, dans un communiqué du 22 janvier, que « le gouvernement réforme la procédure d’évacuation forcée en cas de squat de domicile pour mieux protéger les propriétaires ».

Cette réforme prend la forme d’une instruction adressée aux préfets le même jour. Celle-ci se contente toutefois de rappeler les dispositions de la loi Asap, complétées par quelques précisions :

  • extension aux résidences secondaires ou occasionnelles,
  • évacuations forcées de squats non couverts par la suspension durant la trêve hivernale (« mais le préfet devra s’attacher à rechercher des solutions de relogement pour les personnes évacuées »),
  • possibilité d’engager la procédure étendue à toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte du propriétaire (par exemple l’usufruitier ou les enfants d’une personne âgée),
  • demande d’évacuation forcée examinée par le préfet dans un délai de 48 heures après réception,
  • refus du concours de la force publique possible uniquement « en raison d’un motif impérieux d’intérêt général ou lorsque les conditions d’application de la procédure d’évacuation forcée ne sont pas remplies »…