Brexit : le Royaume-Uni sortira définitivement le 31 janvier


 Le vote de la Chambre des Communes du 9 janvier 2020 représente un tournant majeur dans l’épopée du Brexit. Il engage résolument la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne en transposant en droit britannique l’accord conclu par Bruxelles et Londres le 17 octobre 2019. Les deux entités devront désormais négocier leur relation future et ce, au cours de la période de transition qui s’ouvrira le 1er février 2020. 


1. La ratification du traité de sortie du Royaume-Uni

Le texte de loi traduisant en droit britannique l’accord négocié avec l’Union européenne a été définitivement adopté jeudi 9 janvier 2020 par 330 voix en faveur (231 contre).  Le texte doit désormais être adopté par la Chambre des Lords où il sera examiné à partir du 13 janvier. Si cette dernière décide d’amender le texte, celui-ci devra passer à nouveau devant la Chambre des Communes. Un ultime vote de cette Chambre est attendu au cours de la semaine du 20 janvier. Le texte sera ensuite promulgué par la Reine Elizabeth II puis entrera en application, fixant ainsi les conditions de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne.

L’accord de retrait tel que négocié sera parallèlement soumis pour ratification au Parlement européen –pas aux parlements nationaux-  : l’accord  sera examiné le 29 janvier par le Parlement européen qui devrait le ratifier sans difficulté.


2. Définir la relation future

Le Premier ministre Boris Johnson souhaite ne pas allonger la période de transition qui doit se terminer le 31 décembre 2020. Les onze mois restant constituent une courte période pour définir et négocier les modalités de la relation future entre l’UE et le Royaume-Uni. L’accord de retrait prévoit une possible extension jusqu’à fin 2022, à solliciter avant le 30 juin 2020, ce que n’envisage pas de faire B. Johnson. Sauf cette extension, il faudrait donc avoir conclu, au 31 décembre 2020, des accords régissant la relation commerciale, sécuritaire, militaire,  politique, financière etc, avec l’Union européenne, soit au total une dizaine de traités, ce qui paraît très ambitieux. 

Durant la période de transition, les Britanniques continueront d’appliquer les lois européennes, d’en bénéficier et de verser leur contribution financière sans néanmoins siéger dans les institutions européennes ni avoir de pouvoir sur les décisions prises.

Les représentants des 27 États-membres ont débuté, le 8 janvier, une série de réunions afin de faire connaître leur points de vue et de débattre des questions sensibles : délimitation des futurs sujets négociés par la Commission européenne avec le Royaume-Uni, fixation des lignes rouges et des objectifs de la négociation.

La Commission européenne prépare actuellement le mandat de négociation qui lui permettra d’entamer les discussions avec le Royaume-Uni au nom de tous les États membres. Les parlements nationaux pourront se prononcer sur cette proposition de mandat, voire sur l’accord qui sera finalement négocié si ce dernier est de nature mixte, c’est-à-dire si son objet relève de compétences partagées ente l’Union européenne et ses États membres.

Le Parlement européen aura également un rôle à jouer dans la définition de cette relation future. Les 73 députés européens britanniques quitteront leurs fonctions avec l’entrée en vigueur de l’accord de retrait. 46 sièges seront gelés dans l’attente d’éventuels nouveaux pays entrants, les 27 sièges restants seront répartis entre les autres États membres. La France gagnera cinq sièges et atteindra le nombre de 79 députés. 

La priorité semble donnée à la conclusion d’un accord commercial. Boris Johnson a émis le souhait d’un large accord de libre-échange sur le modèle du CETA avec le Canada, couvrant les biens et les services ainsi que d’autres domaines de coopération. 

Boris Johnson a promis de « maintenir un haut niveau de standards dans les domaines des droits des travailleurs, des droits des animaux, de l’environnement et de l’agriculture ».  Les négociations s’annoncent dures, le maître-mot étant « concurrence équitable » afin de garder le lien le plus étroit possible avec le partenaire britannique, tout en préservant les intérêts et le marché intérieur de l’UE.

Outre un accord de libre-échange, les deux entités doivent s’entendre sur diverses questions sujettes à débat pour définir une relation plus large, allant au-delà des aspects commerciaux. Le dossier de la pêche est particulièrement sensible pour la France qui souhaiterait continuer à accéder aux zones de pêche britanniques. L’évasion fiscale, les normes environnementales, la protection des données mais aussi les questions sécuritaires et l’évolution du partenariat de défense avec les Britanniques sont des thématiques critiques.

 

3. Projet d’accord entre l’Irlande du Nord et le Royaume-Uni et ses conséquences quant au Brexit 

 Jeudi 9 janvier, le gouvernement britannique a publié un projet visant à rétablir le gouvernement local en Irlande du Nord. Celui-ci est en effet vacant depuis l’effondrement, en janvier 2017, de la précédente coalition entre les unionistes du DUP et les républicains du Sinn Fein suite à un scandale politico-financier. Les discussions avaient repris le 16 décembre dernier et l’accord doit être accepté par les deux partis qui seront tenus de se partager la gouvernance de la province britannique. L’exécutif et l’assemblée locale seraient ainsi rétablis, à défaut de quoi le gouvernement britannique devrait convoquer des élections régionales.

Ce gouvernement local peut s’avérer crucial dans les décisions relatives au Brexit. Actuellement paralysé, ce pouvoir local pourrait influencer les négociations sur la future relation avec l’Union européenne, notamment sur les dispositions douanières et le dossier de la frontière avec la République d’Irlande (« backstop »). Le statut de l’Irlande du Nord a fait l’objet d’âpres discussions et a suscité plusieurs blocages. L’accord de sortie du Royaume-Uni prévoit un mécanisme de consentement des autorités nord-irlandaises sur la poursuite de l’application de certaines règles de l’UE dans la région, pour les quatre années suivant la ratification de l’accord. À la fin de cette période, l’assemblée régionale devra voter pour prolonger ou non ce protocole. 

 

  4.  Une reprise des velléités indépendantistes en l’Écosse
Samedi 11 janvier, des dizaines de milliers de personnes (80 000 selon les organisateurs) ont manifesté à Glasgow pour exiger un second référendum sur l’indépendance de l’Écosse. Il s’agit de la première de huit manifestations prévues en 2020 par le mouvement « All Under One Banner ». Le mouvement, créé après le premier référendum de 2014, rassemble les partis et mouvements réclamant l’indépendance de la province. Ces manifestations s’inscrivent dans le cadre d’un important renforcement du Parti national écossais (SNP) indépendantiste aux élections législatives de décembre, avec 48 des 59 sièges écossais remportés. À la suite de cette nette victoire, la chef du SNP, Nicola Sturgeon, a réclamé un transfert de compétences au Parlement écossais afin d’organiser un référendum en se fondant sur la section 30 du Scotland Act de 1998 qui avait permis le premier référendum. Cette décision a largement été influencée par la mise en œuvre prochaine du Brexit,  les Écossais ayant voté à 62 % contre la sortie du Royaume-Uni de l’UE lors du vote de juin 2016. 

 

Le gouvernement écossais a besoin de l’autorisation du gouvernement britannique pour organiser ce référendum. Or le Premier ministre Boris Johnson a fait part de son opposition et la solide majorité de conservateurs élus au Parlement en décembre réduisent les chances écossaises d’aboutir.

 

PROCHAINES ÉTAPES : 

– 13 janvier : début d’examen par la Chambre des Lords du projet de loi de mise en œuvre de l’accord de retrait
– Semaine du 20 janvier : vote final de la Chambre des communes (si la Chambre des Lords amende le texte)
– 29 janvier : adoption de l’accord par le Parlement européen 
– 31 janvier : date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne
 – 1er février : début de la période de transition 
– 31 décembre 2020 : fin de la période de transition