Débat sur la politique migratoire de la France et de l’UE

 

Mercredi 9 octobre, le Sénat a entendu une déclaration du Premier ministre, suivie de celle du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, d’Amélie de Montchalin, la secrétaire d’État chargée des affaires européennes et de Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. 
Tous les groupes politiques du Sénat ont présenté leur point de vue sur la politique migratoire de la France et de l’Europe  et j’ai représenté le groupe de l’Union centriste dans cet exercice.

Edouard Philippe : « On doit pouvoir réfléchir à des objectifs quantitatifs »

Un an après la promulgation de la loi asile-immigration-intégration, le Premier ministre a admis que le gouvernement n’avait « pas atteint tous (ses) objectifs » en matière migratoire, soulignant l’augmentation de 22% entre 2017 et 2018 du nombre de demandes d’asile. « Le système français d’asile est aujourd’hui saturé », a-t-il déploré.

Le Premier ministre a abordé la question des quotas d’immigration, expliquant que les quotas ne pouvaient s’appliquer « ni en matière d’asile ni en matière de regroupement familial. Mais pour attirer les talents, qu’il s’agisse d’étudiants ou de compétences rares, on doit pouvoir réfléchir à des objectifs quantitatifs ».

Plusieurs grands axes émanent du discours du Premier ministre. Il a évoqué la redéfinition de la stratégie de l’aide publique au développement, qui doit atteindre 0,55% du PIB en 2022.  Cette stratégie sera déclinée dans le futur projet de loi de finances et donnera lieu à un projet de loi de programmation et d’intégration en matière de développement en 2020.

Au niveau Européen, dès l’installation de la prochaine Commission au 1er novembre, le gouvernement fera des propositions en matière de « protection juridique et opérationnelle des frontières extérieures » et « réforme du droit d’asile européen ». 

Le gouvernement se fixe aussi l’objectif d’améliorer l’intégration, « ce qui demande pour certains une forme d’éducation républicaine ». « Nous ne devons pas négocier sur l’interprétation de ces valeurs » a-t-il estimé en citant le droit des femmes et la laïcité.  Les crédits budgétaires dévolus à l’intégration ont connu une hausse de 75% sur les crédits d’intégration depuis 2017.

Christophe Castaner : « Il est possible que notre système d’asile soit en partie dévoyé, soit en partie détourné »

Le ministre de l’Intérieur a rappelé la volonté du président de la République de réformer Schengen : « Afin d’encourager l’établissement de centres contrôlés aux frontières extérieures de l’Europe ».

Le Ministre a insisté sur l’idée de « proposer des solutions pour avancer sur la refondation de Schengen et sur la réforme du régime d’asile européen », une fois que la commission européenne serait mise en place.

Il a donné les chiffres des entrées régulières sur le sol français : « En 2018, 256 000 personnes sont arrivées régulièrement. Parmi [elles], 90 000 sont arrivées par la voie de l’immigration familiale (…) 83 000 étudiants ont été accueillis (…) tout comme 33 000 personnes pour des motifs économiques ».

Les chiffres de demande d’asile en France ont augmenté : 123 000 demandes d’asile en France, l’année dernière, une hausse de 20% par rapport à 2017. Quand  ¼ de notre demande d’asile provient de pays dits sûrs, notamment de Géorgie et d’Albanie.

Amélie de Montchalin : « Si nous n’agissons pas, l’Europe se défera »

Selon la secrétaire d’État chargée des Affaires européennes, les arrivées de migrants en Europe ont été divisées par 10 en trois ans. Malgré tout, la prudence s’impose : « les flux peuvent reprendre car la situation géopolitique n’est pas stabilisée par rapport à l’an dernier. »

Pour la ministre, il existe une réelle nécessité pour l’Union européenne de lancer des réformes sur la gestion des migrations. « Si nous n’agissons pas, nous risquons de voir l’espace Schengen imploser, et l’Europe se défaire. Il n’y a pas de vraie solution au défi des migrations si les Européens ne font pas le choix explicite d’agi ensemble. »

Parmi les chantiers listés : la refonte de Schengen, la révision du règlement Dublin sur l’asile européen, une action plus forte pour le soutien au développement des pays pauvres, et un mécanisme de sauvetage en mer en Méditerranée.

Christelle Dubos : la « PMA, les cures thermales, les frais dentaires ou d’optique et les soins à visée esthétique ne sont pas pris en charge par l’AME »

Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, a explicité un certains nombre d’éléments sur l’aide médicale d’État (AME).

« Des dispositifs sont prévus pour la prise en charge des personnes immigrées en situation irrégulière. C’est le cas de l’aide médicale d’État qui permet de couvrir les soins essentiels » a-t-elle souligné.

Elle a rappelé que la couverture n’est pas automatique mais « nécessite une présence d’au moins trois mois sur le territoire et des conditions de ressources ». Et « si ces conditions ne sont pas remplies, la prise en charge est limitée aux soins d’urgence ». 

Pour Christelle Dubos :  « On ne laisse personne périr car il manque le bon tampon sur le bon document. Ils sont aussi indispensables pour des raisons de santé publique et pour éviter la propagation de maladie ».

Philippe Bonnecarrère : « La modération des idées n’écarte pas la fermeté de l’action »

En matière de droit d’asile, un « non » doit être un « non », un « oui » doit être un « oui ».

J’ai suggéré une coopération renforcée avec 9 pays au minimum. Une sorte de premier cercle du droit d’asile (…) avec des référentiels communs et une reconnaissance mutuelle sur les décisions prises sur les demandes d’asile. Elle permettrait à ceux qui veulent avancer, de le faire.

La renégociation de l’espace Schengen devrait s’accompagner de moyens accrus dévolus à l’agence Frontex à condition que la politique migratoire à appliquer soit clairement définie.

La non-coopération des pays d’origine pose un problème majeur. Ce peut être traité en bilatéral en s’appuyant sur la conditionnalité des aides au développement.

Sur la questions des quotas, le groupe UC y est plutôt favorable : ils ne seront opposables ni aux demandeurs d’asile ni aux demandeurs du regroupement familial.

Nous sommes ouverts à un statut de migrant temporaire avec permis de séjour et de travail à la manière d’unegreen card européenne.

Le regroupement familial, l’AME et la naturalisation sont des symboles. Le groupe UC est favorable à une analyse ciblée des conditions, sans remettre en cause le principe.

Nous sommes pour une simplification des différents régimes d’hébergement, bien trop complexe, avec des intitulés, des coûts, des prestations différentes. Nous suggérons de travailler bien plus en local sur l’intégration, par exemple sous la forme de contrats locaux d’intégration républicaine, selon les termes du ministre de l’Intérieur.

Quel intérêt de priver de revenus un demandeur d’asile ? Ce dernier ne peut actuellement envisager de travailler avant un délai de six mois. Nous sommes favorables à la suppression pure et simple de ce délai.