Acte 2 de « Loi Montagne » : un acte partiellement manqué

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Le Sénat a adopté, sans enthousiasme , mercredi 21 décembre 2016 , le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, dit « loi Montagne ». 

Pourquoi un « Acte 2 » de la « loi Montagne » ?

Depuis la loi « fondatrice » de 1985, les territoires de montagne ont eu à faire face à de nouveaux défis : changement climatique, nouveaux modes de vie et de transport, mutations économiques et numériques, remise en cause du modèle agricole, etc.. Il était indispensable d’adapter à la réalité et aux spécificités des territoires de montagne les outils législatifs à leur disposition, dans le respect de l’étroite « ligne de crête » définie en 1985 entre le développement économique et la préservation de l’environnement.

La montagne, richesse de notre biodiversité, vitrine de notre tourisme et « château d’eau » de notre pays, occupe également un rôle trop fréquemment sous-estimé en matière d’agriculture (1 exploitation agricole sur six y est localisée, pour 17% de la surface agricole utile de notre pays) et d’économie (elle accueille 600.000 entreprises pour près de 15 millions d’actifs).

Un « Acte 2 » très attendu

Ce texte était attendu depuis plusieurs années par l’ensemble des acteurs et élus locaux, associés à la rédaction du projet de loi initial. D’un commun accord, Gouvernement et Parlement ont souhaité une adoption du texte avant la fin de cette année.
D’où l’esprit de consensus  mais sur un petit dénominateur commun.
Le projet de loi prend en compte des spécificités montagnardes, notamment celles liées au territoire, aux services publics, tels que l’accès aux soins ou l’école, la place de l’agriculture, le droit des travailleurs saisonniers, le tourisme dans les stations classées qui pourront garder leur office communal, et le nouveau régime d’urbanisation…
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La couverture mobile : des mesures en-deça des attentes du groupe centriste au Sénat
Le Groupe centriste s’est fortement mobilisé pour enrichir ce volet de mesures, à l’image de celles visant à :
  • inscrire dans la loi que les communes situées en « zones blanches » sont celles dont au moins 25 % du territoire et 10 % de la population ne sont couverts par aucun des opérateurs en technologie mobile 3G ;

Comme nombre d’entre vous ont pu le constater sur le terrain, les zones blanches telles qu’elles sont définies aujourd’hui ne correspondent pas à la réalité de la couverture mobile.  Le protocole de mesures défini en 2003 est une « raquette trouée ».

Sous l’intense pression des PDG des 3 opérateurs nationaux, le Gouvernement s’est finalement opposé à introduire au texte cette mesure qui aurait pourtant constitué une avancée considérable. Il y a substitué une mesure permettant aux communes d’être classées en « zone blanche » si elles obtiennent dans un délai de 2 mois une réponse positive à leur requête adressée au Ministère concerné…
  • prévoir la possibilité pour l’ARCEP d’enjoindre les opérateurs à négocier un accord de mutualisation de leurs infrastructures mobiles, sous peine de sanctions. Il s’agit ici d’étoffer les solutions permettant de résorber les « zones grises »

Le Gouvernement a également écarté cette autre mesure emblématique, qui aurait elle-aussi permis d’accélérer la couverture mobile de nos territoires.

Des réponses partielles à l’accès à la santé en zone de montagne
Afin de pallier la désertification médicale constatée en zones de montagne, quelques mesures pragmatiques introduites par le Sénat visent à :
  • exonérer partiellement de cotisation de retraite les médecins bénéficiant de leur retraite qui continuent à exercer leur activité ou qui effectuent des remplacements en zone de montagne ;
  • autoriser les médecins qui n’ont pas soutenu leur thèse dans les temps à pouvoir exercer la médecine dans les zones sous dotées ; Un décret en Conseil d’État devra détailler les modalités de ce dispositif, qui concernerait une centaine de personnes ;
  • faire figurer dans la loi la notion « d’accès aux soins dans un délai raisonnable », qui pourra faire l’objet d’expérimentations (pour 3 ans maximum) dans le cadre du projet régional de santé.
  • prévoir que tout médecin s’établissant dans le cabinet ou remplaçant un médecin bénéficiant d’une autorisation d’exercer la propharmacie se voit automatiquement accorder cette même autorisation pour la durée du remplacement ou de l’exercice dans le cabinet ;

Aménagement du territoire et urbanisme : des mesures éloignées des ambitions initiales

Sur ce volet également, le texte ne traduit pas les ambitions affichées , même si quelques mesures trouveront leur utilité, à l’image de celles prévoyant :
  • que les communes de montagne sortant au 1er juillet 2017 de la liste du classement en zone de revitalisation rurale (ZRR) continuent à bénéficier des effets du dispositif pendant une période transitoire de trois ans ;
  • la mise en place de la nouvelle procédure des Unités Touristiques Nouvelles (UTN), opérant une distinction entre les UTN dites « locales » et les UTN dites « structurantes ». Un décret définira les seuils applicables à chacune de ces catégories et le diable risque d’être dans cette définition;
  • une dérogation au transfert automatique de la compétence tourisme à l’EPCI pour les communes classées « station de tourisme » . C’était la demande des grandes stations de ski mais aussi des communes du littoral les touristiques et  voulant garder leurs offices au niveau communal. C’est en réalité pour faire passer cette disposition qui figurait à l’article 18 bis que les dispositions les plus novatrices ont été lâchées .
Agriculture en montagne : quelques aménagements
Le texte aborde le domaine agricole via quelques mesures conjoncturelles visant par exemple à :
  • permettre aux GAEC (groupements agricoles d’exploitation en communde participer aux groupements pastoraux sans pour autant perdre leur statut. Il s’agit  de maintenir la transparence des GAEC associés de groupements pastoraux suite à loi d’avenir agricole qui a redéfini leur activité ;
  • exonérer, pour une durée de 3 ans, de TICPE et de TVA le carburant utilisé par les camions réalisant la collecte de lait auprès d’exploitations agricoles situées en zone de montagne ; 
J’ai lutté en vain contre un article 20 b dont à mon sens les conséquences n’ont pas correctement été  appréciées pour l’avenir qui réduit très fortement les capacités de réaliser des projets économiques dans les  » fonds de vallées « .