Mineurs non accompagnés : les propositions sénatoriales pour une véritable politique nationale

Un rapport sénatorial, issu des travaux d’une mission d’information transpartisane, appelle à structurer en une véritable politique nationale la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA). Le rapport juge la politique actuelle concernant les MNA peu cohérente, coûteuse et porteuse de risques d’un public particulièrement vulnérable.

Les rapporteurs ont choisi d’aborder la question sous trois angles : celui de la régulation des flux et de l’entrée dans le dispositif d’accueil de MNA, qui soulève le problème épineux de la répartition des compétences entre les départements et l’État ; celui des problématiques de sécurité posées par certains jeunes isolés, en évaluant le rôle éventuel de filières criminelles ; enfin, celui de la préparation de la sortie de la minorité des jeunes pris en charge au titre de la protection de l’enfance et de leur accompagnement vers l’autonomie.

Un coût élevé pour les départements

23 461 mineurs non accompagnés ont été pris en charge par les conseils départementaux au 31 décembre 2020. Le coût annuel de la prise en charge des MNA par l’ASE peut être estimé à 1,1 milliard d’euros.

Une part prépondérante (55 %) des personnes évaluées ne sont pas considérées comme mineures à l’issue de ce processus. Or, cette phase « amont » représente une charge financière importante pour les départements : passé le délai de 5 jours de recueil administratif, la mise à l’abri du jeune demandeur se prolonge tant qu’une décision de l’autorité judiciaire n’est pas intervenue.
En « aval », l’effectif de MNA pris en charge par l’ASE se maintient à un niveau élevé, représentant des dépenses parfois très lourdes.

Le rapport met en lumière le manque de cohérence de la politique conduite par les différents acteurs et juge que la mise en œuvre de cette phase d’évaluation reste très hétérogène. « La multiplicité des instances susceptibles d’être saisies – procureur de la République, juge des enfants, juge administratif – engendre une multitude de procédures parallèles, qui conduisent à la prise de décisions contradictoires. »

De multiples différences de traitement engendrent des différences d’attractivité entre les territoires, qui tendent elles-mêmes à renforcer les inégalités.

Transférer à l’Etat l’ensemble des compétences d’évaluation

Le rapport invite donc à réformer la gouvernance de cette politique, en y associant le ministère des affaires étrangères.

Les rapporteurs plaident pour le transfert à l’État de l’évaluation et de la mise à l’abri des personnes se présentant comme MNA, qui donne lieu à des dépenses indues pour les collectivités.

Le rapport plaide aussi pour la pérennisation de la contribution « exceptionnelle » de l’État aux dépenses des départements et pour revoir son mode de calcul en se basant sur l’effectif de MNA pris en charge par l’ASE.

« Quelle que soit la collectivité publique responsable de la phase d’évaluation, une homogénéisation des conditions de sa mise en œuvre est indispensable. »

Distinguer les MNA et les « jeunes étrangers en errance »

Le rapport se penche aussi sur les questions de sécurité. Dans un premier temps, il tient à éviter l’amalgame « inexact » entre mineurs non accompagnés et délinquance. « Une très grande majorité des faits de délinquance commis par des mineurs étrangers ou des personnes se présentant comme tels ne sont pas le fait de mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance mais plutôt de ‘jeunes en errance’ présentant un profil sociologique distinct », détaillent les sénateurs. Le rapport évoque des « jeunes en errance », avec une proportion importante de « majeurs », non pris en charge.

Concernant ces « jeunes en errance », le rapport s’appuie des statistiques: Dans la catégorie des vols avec violence, les jeunes en errance, non pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, représentent 27 % des mises en cause en 2020 dans l’agglomération parisienne, une part trois fois plus importante qu’en 2016.

Face à cette situation, les sénateurs recommandent une meilleure structuration des services de police et de gendarmerie, en favorisant la coordination entre les différentes unités. Ils recommandent aussi d’ouvrir l’accès aux forces de l’ordre aux données du fichier d’appui à l’évaluation de minorité, mais aussi de créer un fichier national des mineurs non accompagnés délinquants.

La question de la majorité

Les Sénateurs ont bien compris que l’enjeu des mineurs non accompagnés ne s’arrête pas une fois leur majorité acquise. Ils ont donc soumis quelques propositions pour garantir leur avenir et leur autonomie.

Si à sa majorité, l’ancien MNA se retrouve sans solution et en situation irrégulière, la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance aura été vaine alors même qu’elle représente un investissement humain, éducatif et financier important

Rapport senatorial

Ils demandent de réduire les délais pour leur permettre d’être scolarisés le plus rapidement possible. Ils ajoutent que le soutien des départements doit valoir jusqu’à l’achèvement de leur formation ou de leur qualification professionnelle.

Pour ces jeunes sur la voie d’une insertion professionnelle, les sénateurs veulent faciliter la mise en œuvre des procédures d’accès au séjour et anticiper la délivrance des cartes le plus tôt possible, « afin d’éviter les ruptures administratives à la majorité ».

Le rapport évoque à titre d’exemple les cas de jeunes « bien intégrés » socialement et insérés dans un parcours professionnel contre lesquels des mesures d’expulsion sont parfois prises.

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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