Couffouleux, la commune qui rêve de mixité sociale et d’écologie

Située en face de Rabastens, de l’autre côté du pont qui enjambe le Tarn, la commune de Couffouleux accompagne des projets d’habitat innovants et porteurs de sens. A mi-chemin entre habitats individuels et collectifs, O Jardins Labastide et Les Amarres révolutionnent l’accession sociale à la propriété tout en garantissant aux accédants un cadre de vie convivial et respectueux de l’environnement. Rencontre avec M. Olivier Damez, maire de Couffouleux et Vice-Président de la Communauté d’agglomération Gaillac Graulhet.

Deux projets d’habitat participatif sont en train de voir le jour dans votre commune. Le chantier d’O Jardins Labastide commencera l’an prochain, comment ce projet est-il né ?

Tout a commencé en 2017, à l’initiative d’un groupe d’habitants du territoire de Couffouleux-Rabastens. A ce moment-là, les habitants du Rabastinois se sont mis à réfléchir ensemble sur le concept de l’habitat participatif. La commune les a rejoints dans cette réflexion et nous nous sommes mis à chercher un terrain. Nous en avons trouvé un de 2 hectares situé juste à côté de la gare TER et par chance, les propriétaires du terrain étaient eux aussi sensibles à cette idée. Un collectif s’est donc monté avec une dizaine de familles et ils ont créé en 2018 l’association « O Jardin Labastide ».  Notre commune a conduit et financé en partie une étude avec l’organisme HabFab, pour savoir dans quelles conditions ce projet pourrait voir le jour. La communauté d’agglomération Gaillac Graulhet a elle aussi participé à ce financement. Nous avons aussi organisé des ateliers thématiques ouverts aux habitants. Puis, le HabFab nous a rapproché d’un bailleur social du Pays basque : le Comité Ouvrier du Logement (COL). Il s’agit d’une coopérative d’intérêt collectif, en d’autres termes, une structure immobilière sans but lucratif.  Au fil de nos échanges, nous nous sommes fixés l’objectif de créer un projet ambitieux sur les plans environnementaux et sociaux, qui soit ouvert à la fois aux accédants et aux locataires. Le COL est devenu maître d’ouvrage et il a travaillé main dans la main avec le collectif citoyen et l’architecte pour concevoir le projet de A à Z.

Justement, à quoi ressemble-t-il ?

O Jardin Labastide c’est un site de 2.2 ha dont seulement 10 % seront occupés par les logements. C’est un projet de haute qualité environnementale avec une agora centrale, des jardins et une végétation d’arbres et arbustes variés, ainsi que des espaces communs. Côté logement, l’habitat sera construit sous forme de groupes de maisons mitoyennes avec un rez-de-chaussée et un étage. Il y a une trentaine de logements et 115m2 d’espaces collectif : maison commune, buanderies, locaux à vélos.

Sur le plan architectural, comme le terrain, se trouve dans un périmètre protégé par les Bâtiments de France, il y a eu un grand travail réalisé en concertation avec l’architecte des bâtiments de France.

On sent que l’ADN et la raison d’être de ce projet sont particulièrement forts, quelles sont ses valeurs ?  

L’idée défendue par le COL est de promouvoir à la fois la mixité sociale et l’écologie.  Ce projet est basé sur le faire et le bien vivre ensemble. Il y a la notion de convivialité, de solidarité et de gouvernance partagée. La façon dont les bâtiments et les jardins ont été conçus prouvent notre volonté de réduire l’empreinte écologique et de préserver la biodiversité.  Mais je dirai que le cœur du projet c’est l’accession sociale à la propriété. Nous sommes très attachés au caractère social du projet pour permettre au plus grand nombre et aux ménages à revenus modestes d’accéder au logement.

Expliquez-nous le caractère social du projet…

Ce projet est basé sur un nouveau modèle d’accession social à la propriété : les organismes de foncier solidaire (OFS) et le bail réel solidaire (BRS). C’est très rare en France. C’est un modèle inspiré des Community Land Trust anglo-saxons et défendu par la fédération nationale des sociétés coopératives HLM dans le cadre de la loi Alur.

L’idée est d’offrir une alternative à la propriété privée du sol et de réguler l’inflation des prix de l’immobilier en dissociant le foncier (propriété de l’OFS), et le bâti (détenu par le ménage). Notre projet s’appuie sur donc sur une structure immobilière sans but lucratif, le COL. Cet organisme finance le foncier et reste propriétaire du terrain indéfiniment, dans le but que les logements restent abordables et inférieurs au prix du marché.

Les accédants à la propriété n’achètent que le bâti (droits réels) et ils vont payer un loyer (redevance) pour le terrain par le biais d’un Bail Réel Solidaire (BRS ). En définitive, les propriétaires de ces logements ne détiennent que les murs. Ils sont locataires du terrain et bénéficient du droit d ’usage par le biais d’un bail emphytéotique rechargeable.

Ce nouveau dispositif permet de réduire le coût d’acquisition en proposant des prix au moins 30% inférieurs au marché actuel. Il ouvre aussi droit à une TVA à 5.5 % (pour un logement neuf).

Il y a toutefois des conditions. Cet appartement doit être la résidence principale du ménage dont les revenus sont sous les plafonds de l’accession sociale PSLA (Prêt Social Location Accession), soit 3 908 € de revenus nets mensuels pour un couple avec 2 enfants par exemple.

Existe-t-il d’autres avantages ?

Oui ! Face à une pression foncière énorme, c’est une manière de limiter les plus-values immobilières. Hors de question que les subventions publiques servent à enrichir le patrimoine de particuliers. Lorsqu’il est revendu, le logement doit respecter un prix plafonné prévu dans le bail. Il ne peut être revendu qu’à des ménages qui sont aussi sous les plafonds du PSLA. Lors de cette revente, le bail est rechargé pour une durée équivalente au premier bail.  C’est aussi un outil qui permet de lutter contre la gentrification en conservant des logements accessibles aux publics modestes même si le quartier prend de la valeur et se boboïse.

En quoi ce projet s’inscrit dans une démarche environnementale ?

Notre projet a été salué pour sa qualité environnementale par la Région Occitanie. Nous nous sommes engagés dans un mouvement de construction économe et sobre en ressources. En novembre 2020, il a obtenu le niveau Or dans le cadre de la démarche Bâtiment Durable Occitanie (BDO) Il vient aussi d’obtenir un financement d’1,1million d’euros dans le cadre de l’appel à projets Bâtiments NoWatt 2020, par la Région. 

Quelles sont les prochaines étapes du projet ?

Nous avons terminé la phase Projet et appel d’offres pour la sélection des entreprises. Les permis de construire et d’aménager sont installés. Le démarrage du chantier est prévu en début d’année prochaine. La livraison des logements est attendue en 2024.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières lors de la mise en œuvre du projet ?

Il y a des inquiétudes du côté de la population, avec la crainte que notre commune grossisse trop vite et que nous ne maîtrisions plus notre développement. Couffouleux se situe à proximité de Toulouse et connaît une pression foncière très importante. Notre commune accueillera en 2024 un nouveau collège. Il faut là aussi rassurer les habitants.

Quels conseils donneriez-vous à des élus engagés dans une démarche comme la vôtre ?

Je leur conseillerai d’abord de faire preuve d’une qualité d’écoute forte. Les habitants ont besoin d’être soutenus par la municipalité. Il faut les rencontrer sur le terrain, prendre en compte leurs aspirations, leurs inquiétudes et leurs difficultés. Je conçois le rôle de l’élu comme celui d’un facilitateur. Nous avons par exemple joué ce rôle d’intermédiaire pour le SDIS et ENEDIS.

Et puis, il faut se donner du temps. Il nous est arrivé d’avoir des négociations compliquées avec le projet des Amarres par exemple, mais elles ont finalement abouti.

Je dirai aussi, qu’en tant qu’élu, il ne faut pas se laisser faire par les promoteurs immobiliers qui proposent des lotissements classiques. Le rôle des élus est bien de négocier en amont.

Enfin, il est essentiel de se faire accompagner et de s’entourer d’opérateurs qui connaissent bien ce genre de projet. C’est ce que nous avons fait avec le COL qui nous a apporté une aide logistique essentielle. Nous n’en serions pas arrivés là sans leur appui.

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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