Gel des négociations sur la future relation euro-britannique

L’épidémie de Covid-19 a profondément bouleversé le calendrier des négociations eurobritanniques sur la relation future. Des discussions informelles se poursuivent toutefois autour des propositions d’accord transmises par chacune des parties. La question d’une prolongation de la période de transition se pose, bien que les Britanniques y soient toujours opposés.

La crise sanitaire a exacerbé certaines divisions, soulignant la faible cohésion entre les deux partenaires dans la gestion de la crise. Particulièrement touché, au cœur de son exécutif avec l’hospitalisation de Boris Johnson, le Royaume-Uni semble privilégier une approche nationale tandis que l’Union européenne, de son côté, peine à s’accorder sur une réponse commune à la crise.

Une extension de la période de transition ?

1) Des négociations en grande difficulté

• Gel des négociations sur la relation future

Aucune négociation officielle ne s’est tenue suite au premier round qui avait eu lieu du 2 au 5 mars à Bruxelles. Le deuxième round qui devait se dérouler du 18 au 20 mars à Londres a été annulé, de même que le troisième round prévu du 6 au 8 avril. Les négociateurs avaient dans un premier temps espéré pouvoir poursuivre les discussions par visioconférence, ce qui s’est rapidement avéré impossible.

Un nouveau calendrier des prochaines étapes de négociation devrait cependant être établi. Les pourparlers devraient donc être ravivés sous peu. Si aucun round de négociation officiel n’a eu lieu, les deux équipes ont continué à échanger sur les propositions d’accord qu’elles avaient mutuellement présentées. Le 13 mars, la Commission européenne avait envoyé une proposition d’accord sur la relation future de plus de 400 pages. Le 18 mars, c’était au tour du Royaume-Uni de transmettre sa version du texte. Si les négociations sont ralenties par l’impossibilité de rencontres physiques, l’absence d’arbitrage politique, du fait de l’accaparement des autorités par la crise sanitaire, est un autre facteur de paralysie.

• Une mauvaise réception du projet d’accord britannique

Le projet d’accord transmis par le Royaume-Uni a confirmé les divergences déjà connues entre les deux parties. Les Britanniques ont adressé à l’UE quatre documents couvrant les aspects commerce, transport, aviation et coopération nucléaire civile. Le 26 mars, les diplomates européens ont fait part de leur déception. Par ailleurs, les documents envoyés par Londres ne couvrent qu’une partie du futur accord, tel que souhaité par l’Union européenne ; les textes sur la sécurité et sur la pêche n’ont notamment pas encore été reçus.

• Première réunion du comité mixte d’application de l’accord de retrait

Les seules négociations maintenues ont été celles du Comité mixte en charge de l’application de l’accord de retrait qui s’est réuni pour la première fois le 30 mars par visioconférence, en présence du vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, et du Ministre britannique Michael Gove. La Commission a publié un communiqué expliquant que la mise en œuvre de l’accord de retrait représentait une priorité essentielle pour l’Union « en particulier la protection des droits d’environ 4,5 millions de citoyens européens et de Britanniques, ainsi que le maintien de la paix et de la stabilité en Irlande ».

2) De maigres évolutions

Les discussions ont connu très peu d’avancées. Les principaux points de blocages subsistent ; l’UE exige du Royaume-Uni des garanties en termes de concurrence équitable, notamment grâce à des standards élevés dans les domaines environnemental, social et de droit du travail. Bruxelles souhaite en particulier une harmonisation des régulations sur la question des aides d’Etat. Or le Royaume-Uni refuse d’être lié à la réglementation européenne.

Une évolution notable néanmoins : le 1er avril, la Cour suprême britannique s’est jugée tenue de soumettre l’interprétation de certaines règles à la Cour de Justice de l’Union européenne, dans le cadre d’une question préjudicielle. Cette décision a provoqué l’irritation de nombreux Brexiters qui contestent le rôle que la CJUE pourrait jouer dans la relation future.

3) Des positions divergentes sur l’extension de la période de transition

Le Royaume-Uni peut formuler, avant le 1er juillet 2020, une demande d’extension de la période de transition d’une ou deux années, ce à quoi il s’est toujours refusé, inscrivant le principe d’une non extension dans la loi britannique. Or la pandémie actuelle fait peser une pression supplémentaire sur la durée de négociation, déjà très restreinte. L’UE serait prête à accorder une extension et la presse britannique évoque un questionnement au sein du gouvernement britannique. Néanmoins, lundi 6 avril, le porte-parole du Premier ministre a réaffirmé que l’exécutif n’avait pas l’intention de prolonger la période, conformément à la loi. La loi britannique peut néanmoins être amendée si le Parlement britannique est en mesure de se réunir

Plusieurs appels ont été lancés au gouvernement britannique afin que celui-ci dépose une demande d’extension à la Commission. Il devient manifeste que les entreprises ne pourront se préparer correctement aux conditions de la relation future. Certains secteurs en particulier doivent faire face à d’autres urgences telles que la crise de main-d’œuvre et la nécessité d’une continuité de leur activité. Au contraire, les Brexiters durs se montrent sceptiques sur une extension de la période qui équivaudrait à retarder la « reprise de contrôle » du Royaume-Uni et à consentir de nouveaux paiements pour participer au budget de l’UE. Plusieurs Brexiters se réjouissent également d’une sortie rapide du Royaume-Uni, qui empêcherait, selon eux, le pays d’être piégé dans la crise économique à venir de la zone euro . 67% des Britanniques sont favorables à une forme d’extension de la période de transition pour mieux faire face à la crise sanitaire.

II. L’épidémie de Covid-19 nourrit les tensions et questionne la relation future entre l’UE et le Royaume-Uni

1) Une gestion de la crise sanitaire qui exacerbe les divisions

Boris Johnson veille à ne pas donner l’impression qu’il aurait besoin de l’UE et à prouver qu’il peut répondre seul à la crise actuelle. Des tensions avaient déjà émergé avec la menace française de fermer la frontière avec le Royaume-Uni si des mesures de lutte contre le virus plus dures n’y étaient pas prises,.

La question de la cohésion face à la crise s’est ensuite à nouveau posée avec la non-participation des Britanniques à la commande groupée d’appareils de ventilation respiratoire, mettant d’abord en avant le fait qu’ils n’étaient plus membres de l’Union et menaient « leurs propres efforts ». De nombreuses voix critiques se sont élevées outre-Manche. Les autorités britanniques ont ensuite allégué un problème de communication avant de reconnaître avoir participé à des réunions sur le sujet. Cette décision de ne pas de joindre aux appels d’offres groupés lancés par l’UE a paru difficilement compréhensible, en particulier suite aux déclarations de Boris Johnson appelant à la solidarité internationale dans la lutte contre le virus.

Par ailleurs, le fonds de l’UE visant à soutenir les pays dans l’instauration de mécanismes de chômage partiel, nommé SURE, ne sera pas ouvert aux Britanniques. Bien que le pays participe toujours au budget de l’Union, ce projet nécessitant de nouvelles contributions financières des membres de l’UE, Londres ne pourra y être associé.

Le Royaume-Uni ne peut prendre part qu’aux projets décidés avant le 31 janvier 2020. Ce manque de coopération se double d’une dénonciation par les Brexiters, pour conforter leur choix de quitter l’Union.
Malgré tout, le Royaume-Uni a bénéficié de l’assistance de l’UE pour le rapatriement de 200 de ses ressortissants dans le cadre de la crise sanitaire (le mécanisme de protection civile de l’UE couvrant 75% du coût des vols affrétés par les gouvernements).

2) Des tensions déjà existantes : les difficultés relatives à l’application de l’accord de retrait

Ces divisions dues à l’épidémie se sont ajoutées à des tensions déjà existantes quant à la mise en œuvre de l’accord de retrait. Le Royaume-Uni a rejeté la demande de réouverture d’une représentation de l’UE à Belfast. Les bureaux de l’UE situés à Belfast, Édinbourg et Cardiff avaient fermé en janvier suite au Brexit. En février, la Commission avait déjà demandé la réouverture d’un bureau à Belfast afin de vérifier le bon respect du Protocole sur l’Irlande du Nord, instaurant des contrôles de douanes avec le reste du territoire britannique. Le porte-parole du Premier ministre a expliqué que les vérifications pouvaient être effectuées sans une présence permanente de l’UE, perçue comme une atteinte à la souveraineté britannique. La requête a de nouveau été formulée lors de la première réunion du Comité mixte pour l’application de l’accord de retrait du 30 mars.

Un autre point de discorde est la volonté britannique de renégocier les règles de protection des Indications géographiques pourtant déjà intégrées à l’accord de retrait et donc légalement contraignantes. Ces protections géographiques (IG) s’appliquent sur plus de 3000 produits et poseraient problème dans la négociation d’un futur accord de libre-échange entre Londres et Washington. Les Britanniques s’appuieraient sur une clause stipulant que les IG sont mises en œuvre à moins et jusqu’à ce qu’un accord différent ne soit négocié. Cependant, cette attitude fragilise la confiance mutuelle entre les deux partenaires.

Les procédures ont été restreintes aux supports en ligne, par emails ou par téléphone. Les autorités se montrent néanmoins conciliantes et souhaitent pallier rapidement les difficultés que pourraient rencontrer les citoyens européens.

3) Une vie politique britannique bouleversée

Le Brexit est mis au second plan par la crise sanitaire. Le Premier ministre a en effet été testé positif au coronavirus le 27 mars. Son confinement a installé un certain flottement dans la communication du gouvernement. Sa quarantaine avait été une première fois prolongée avant qu’il ne soit conduit à l’hôpital Saint Thomas le 5 avril afin de procéder à des « tests de routine » tout en restant « aux commandes » du gouvernement. Il a pourtant été transféré dans une unité de soins intensifs le lendemain afin de disposer d’un respirateur en cas de complication. Son état serait stable à l’heure actuelle. Il a confié l’intérim au ministre des Affaires étrangères, Dominic Raab.

De nombreux autres membres du gouvernement ont également été contaminés ; c’est le cas du Ministre de la santé, Matt Hancock, du conseiller de Boris Johnson, Dominic Cummings, ou encore du conseiller médical en chef, Chris Whitty. L’émotion nationale est grande et les témoignages de sou2en sont parvenus de l’ensemble de la sphère politique britannique. La Reine a prononcé un discours historique dimanche 5 avril, appelant à la discipline et la détermination.

PROCHAINES ÉTAPES :

Juin : – prochaine réunion du comité mixte UE – UK pour la mise en œuvre de l’accord de retrait – décision du Royaume-Uni de poursuivre ou non les négocia2ons sur un accord définissant la relation future avec l’UE

1er juillet : date butoir pour demander une extension de la période de transition d’un ou deux ans

31 décembre : fin de la période de transition