Brexit: Point d’actualité

Actualités du Brexit

Le Conseil européen a répondu le 22 mars à la demande de la Première ministre britannique de proroger l’application de l’article 50. La date de sortie du Royaume-Uni est désormais conditionnée à l’adoption par la Chambre des communes du projet d’accord de retrait. Les délais sont de plus en plus contraints dans un contexte marqué par la proximité des élections européennes. 

                                                         

  1. Un report en deux temps voire trois temps

Dans une lettre adressée au Conseil européen le 20 mars dernier, la Première ministre britannique, Mme Theresa May, a demandé au Président du Conseil européen une demande d’extension de l’application de l’article 50 jusqu’au 30 juin prochain, en contrepartie d’une troisième présentation devant la Chambre des communes du projet d’accord de retrait négocié par les Vingt-Sept et le Royaume-Uni le 25 novembre dernier, après les votes négatifs des 15 janvier et 12 mars.

Afin de tenir compte de l’incidence d’un tel report sur l’organisation des élections européennes prévues du 23 au 26 mai prochains, le Conseil européen, réuni à Bruxelles les 21 et 22 mars s’est accordé à l’unanimité sur un dispositif en deux temps décalant la date du Brexit mais dont l’issue dépend de l’examen, par la Chambre des communes, de l’accord de retrait la semaine du 25 mars.

Si la Chambre des communes venait à approuver l’accord, la date de sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne serait décalée au 22 mai, soit la veille des élections européennes. Ce serait une sortie ordonnée, conformément à l’accord de retrait.

A l’inverse, en cas de nouvel échec devant la Chambre des communes, le Brexit serait prévu le 12 avril, date limite pour la notification par le gouvernement britannique de la participation du Royaume-Uni aux élections européennes.. À cette date, le Royaume-Uni sortira sans accord (« hard brexit ») sauf s’il sollicite un nouveau report (de longue durée), impliquant sa participation aux élections européennes. Celui-ci devra être assorti de motivations sérieuses telles que : changement de Premier ministre, élections générales, deuxième référendum ou encore changement des lignes rouges posées dans les négociations par le gouvernement britannique.

La Première ministre britannique a approuvé ce mécanisme. L’unanimité s’est faite au Conseil sur ce dispositif malgré les intérêts nationaux nécessairement divergents, notamment en raison de l’impact direct du Brexit sur certains secteurs comme l’automobile, secteur central pour l’Allemagne. Le président du Conseil européen, M. Donald Tusk, estime, de son côté, que le 12 avril pourrait également signifier que le Royaume-Uni renonce au Brexit.

Il convient de rappeler à ce stade le cadre dessiné par la Cour de justice de l’Union européenne dans son avis du 10 décembre dernier sur les modalités de révocation de l’article 50 : le Royaume-Uni est « libre de révoquer unilatéralement la notification de son intention de se retirer de l’Union européenne tant qu’un accord de retrait (…) n’est pas entré en vigueur ou, à défaut d’un tel accord, tant que le délai de deux ans à partir de la notification de l’intention de se retirer de l’Union européenne, éventuellement prorogé, n’a pas expiré », c’est-à-dire jusqu’au 12 avril 2019 désormais. Cela étant, une telle révocation ne peut être décidée par le Royaume-Uni que « dans le respect de ses propres règles constitutionnelles », ce qui suppose un vote du parlement britannique.

 

  1. Un troisième vote aux Communes condamné à l’échec ?

Si le mécanisme élaboré par le Conseil européen laisse plusieurs options ouvertes, celle du vote lors de la semaine du 25 mars apparaît peut-être la plus délicate.

Le président de la Chambre des communes, John Bercow, avait déjà annoncé qu’il n’autoriserait pas un nouveau vote sur le projet d’accord de retrait le 20 mars dernier, sauf si  de nouvelles propositions y étaient incluses, de nature substantiellement différente de celles-contenues dans l’actuel projet d’accord. Le Conseil européen a réaffirmé à de nombreuses reprises qu’il n’ouvrirait pas de nouvelles négociations sur un accord de retrait adopté à l’unanimité des Vingt-Sept et approuvé par le gouvernement britannique.

S’ajoute une interrogation politique. Les tractations en vue du vote prévu le 20 mars avaient débouché sur le ralliement de plus d’une dizaine de députés conservateurs au projet d’accord. Des négociations en ce sens avec les unionistes irlandais du DUP continuaient également. Le parti travailliste demeure, de son côté, opposé au texte et soutient l’organisation d’un second référendum.

Reste que le discours télévisé de Mme May le 20 mars dernier vilipendant les députés jugés irresponsables et incapables de mettre en œuvre le Brexit décidé par référendum en juin 2016 pourrait s’avérer contre-productif au moment de réunir une majorité. Le gouvernement britannique apparaît, par ailleurs, affaibli. Des rumeurs de démission de la Première ministre, sous la pression de députés conservateurs de tous bords, ont été relayées par la presse britannique le 24 mars. Les candidats potentiels à sa succession – David Lidington, Philip Hammond, tous les deux remainers, et Michael Gove, brexiter – membres de l’actuel cabinet ont cependant rappelé leur soutien à Mme May. 

C’est dans ce contexte délicat que des votes indicatifs destinés à évaluer différents scénarios pourrait être organisés le 27 mars à la Chambre des communes. L’un deux pourrait aborder la question de la révocation de l’article 50. Une pétition en ligne sur le site du Parlement britannique pour renoncer au Brexit a recueilli, depuis le 20 mars, plus de 5 millions de signatures et la manifestation qui s’est tenue à Londres le 23 mars pour demander une nouvelle consultation populaire a réuni plusieurs centaines de milliers de personnes.

 

  1. La question des élections européennes.

Le 12 avril correspond donc pour le Royaume-Uni à la date-butoir pour le gouvernement britannique pour prendre les dispositions nationales afin que le pays participe aux prochaines élections européennes. Theresa May a d’ores et déjà indiqué à la sortie du Conseil européen le 22 mars que l’organisation d’élections européennes ne pouvait être envisagée comme une option, près de trois ans après le referendum sur le Brexit. De l’avis de nombreux observateurs, ce scrutin ferait figure de nouveau referendum. Il ne serait pas non plus sans conséquence sur les équilibres au sein du nouveau Parlement européen ni sur le poids britannique sur les décisions structurantes qui s’annoncent (élection du président de la Commission européenne, adoption du Cadre financier pluriannuel etc.). Le coût inhérent à l’organisation du scrutin est, en tout cas, d’ores et déjà prévu au sein du budget britannique.

En cas de participation du Royaume-Uni aux élections européennes, la pleine application des dispositions de la décision du Conseil européen n°2018/397 du 28 juin 2018 fixant la composition du Parlement européen pour la période 2019-2024 serait différée. L’article 3, alinéa 1, de ladite décision prévoit en effet une réduction du nombre de parlementaires européens de 751 à 705. Cette diminution suppose l’absence de députés européens britanniques (73 sièges aujourd’hui) et la redistribution concomitante de 27 sièges à certains pays – dont la France (5 sièges supplémentaires) –.

La décision prévoit cependant que dans le cas où le Royaume-Uni serait toujours un État membre au début de la législature 2019-2024, le nombre de parlementaires resterait le même qu’aujourd’hui. Cette situation perdurerait jusqu’à ce que le retrait du Royaume-Uni produise ses effets juridiques. Une fois le Brexit effectif, le nombre des  représentants au Parlement européen élus dans chaque État membre serait alors modifié pour être conforme à l’article 3, alinéa 1. Tous les députés européens qui occuperaient des sièges supplémentaires par rapport à la législature précédente prendraient alors leurs fonctions.

Prochaines échéances :

–        Semaine du 25 mars : troisième vote à la Chambre des communes sur le projet d’accord de retrait ;

–        12 avril : en cas de refus de l’accord de retrait, sortie sans accord ou demande de prorogation justifiée de l’article 50 et participation aux élections européennes ;

–        22 mai : en cas d’adoption de l’accord de retrait, sortie ordonnée du Royaume-Uni de l’Union européenne ;

–        23-26 mai : élections au Parlement européen ;

–        31 décembre 2020 : en cas d’adoption de l’accord de retrait, fin de la période de transition (possibilité de prorogation de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2022).