Jeudi 29 novembre 2018 /  J – 120

Le Conseil européen, réuni le 25 novembre, a adopté l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne et la déclaration politique de 36 pages, destiné à fixer le cadre des négociations sur la future relation. L’accord de retrait doit encore être approuvé par le Parlement britannique.

La Première ministre britannique s’attache désormais à trouver une majorité pour ce vote. Compte tenu de sa situation délicate au Parlement, la stratégie de la Première ministre, Theresa May, est de s’adresser directement aux Britanniques. Elle a prévu plusieurs interviews et s’est rendue dans chacune des nations britanniques dans les prochains jours (Pays de Galles et Irlande du Nord le 27 novembre et Écosse le 28 novembre). Mme May a proposé à Jeremy Corbyn, chef du parti travailliste, qui l’accepté, un débat télévisé qui aura vraisemblablement lieu le 9 décembre. Mais le rapport de force au parlement reste défavorable, plusieurs dizaines de voix manquant : jusqu’à 40 députés conservateurs qui pourraient voter contre l’accord ; le parti unioniste irlandais (DUP) de 10 députés qui a confirmé son refus de voter avec le gouvernement, tandis que la mobilisation de plusieurs dizaines de votes travaillistes, nécessaire pour renverser la tendance, est à ce stade insuffisante.

Theresa May compte sur sa détermination et sur une forme de lassitude du Brexit pour faire évoluer ces chiffres ainsi que sur l’incertitude dans laquelle un rejet plongerait le pays :  la question de son  maintien au poste de Premier ministre serait en effet posée, avec :

– la possibilité d’un vote de défiance interne au parti conservateur lancé par les députés eurosceptiques (27 lettres demandant un tel vote auraient été déposées au 27 novembre sur les 48 nécessaires) ;

– le dépôt d’une motion de censure déposée par le parti travailliste (adoption à la majorité simple du parlement) ;

– l’organisation d’une élection générale.

Si le Parlement venait, néanmoins, à l’approuver, l’accord entrerait en vigueur le 30 mars 2019 , soit à la date du retrait du Royaume-Uni. S’ouvrirait alors une période de transition dont l’accord précise qu’elle pourrait durer jusqu’au 31 décembre 2020. C’est au cours de cette période que devra être négociée la future relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, qui entrera en vigueur à son terme. En cas d’absence de résultat, cette période de transition pourra être prorogée de deux ans. Les négociateurs pensent néanmoins aboutir à un accord sur la future relation d’ici à juillet 2020.

 

  1. Les grandes lignes de l’accord de retrait 

Selon l’accord de retrait, les citoyens européens et leur famille résidant, étudiant ou travaillant au Royaume-Uni, à la date du retrait, pourront y rester pendant toute leur vie. L’accord est réciproque et offre les mêmes garanties aux Britanniques installés sur le territoire de l’Union. Rien n’est indiqué concernant les installations suivant la date du retrait.

L’accord prévoit la mise en place d’un backstop ou filet de sauvegarde afin d’éviter une frontière physique entre l’Irlande du Nord et la République irlandaise là où passera la nouvelle frontière extérieure de l’Union.  Il ne sera appliqué qu’en cas d’absence d’accord commercial en juillet 2020 et tant qu’aucune autre solution ne sera trouvée pour éviter le retour d’une frontière physique en Irlande. L’entrée en vigueur du backstop impliquerait la création d’un territoire douanier unique entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni resterait donc arrimé à l’Union douanière européenne. L’Irlande à Nord continuerait à appliquer les règles européennes après la sortie du Royaume-Uni de l’Union douanière. Le code communautaire des douanes y sera toujours en vigueur, les produits nord-irlandais bénéficiant alors d’un accès sans restriction au marché unique. Le Royaume-Uni devrait, de son côté, appliquer les règles européennes relatives aux aides d’États, respecter certains critères fiscaux, maintenir la protection de l’environnement et ne pas réformer son droit du travail. Le backstop ne pourrait être dénoncé par une des parties sans l’accord de l’autre.

Aux termes de l’accord, le Royaume-Uni honorera toutes les obligations financières prévues par le cadre financier pluriannuel 2014-2020 et celles liées à la Banque européenne d’investissement (BEI), à la Banque centrale européenne, au fonds européen de développement et aux différentes agences de l’Union européenne. En contrepartie, le Royaume-Uni continuera à bénéficier des fonds structurels et des financements de la BEI jusqu’à la fin de l’année 2020, qui correspond à la fin de la période de transition et de l’actuel cadre financier pluriannuel. Si la période de transition venait à être prolongée au-delà de 2020, le Royaume-Uni deviendrait un État tiers et ne participerait plus au budget que pour les programmes auxquels les Britanniques resteraient associés.

Un comité mixte composé d’un représentant de la Commission européenne et d’un ministre britannique se réunira une fois par an pour assurer le suivi de la mise en œuvre de l’accord. Des comités thématiques seront réunis plus régulièrement sur des questions techniques. En cas de conflit sur l’interprétation de l’accord ou sur l’étendue de son application, le problème sera d’abord débattu au sein du comité mixte, avant transmission à une commission d’arbitrage ou à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), si la difficulté porte sur une question de droit européen. Sur ce type de question, l’accord de retrait précise que l’Union européenne pourra saisir la CJUE jusqu’à quatre ans après la fin de la période de transition.La Commission européenne continuera, par ailleurs, à valider les aides d’État qui seront accordées par le Royaume-Uni.

Le Protocole sur Gibraltar annexé à l’accord de retrait prévoit une coopération étroite entre le Royaume-Uni et l’Espagne afin de mettre en œuvre ledit accord dans la presqu’île. Un comité de coordination entre les deux États devrait ainsi abonder les travaux du comité thématique dédié à cette question au niveau européen. L’Espagne conditionnait l’adoption de l’accord de retrait à une implication renforcée dans le règlement de cette question.

 

2. Les grandes lignes de la déclaration politique sur la future relation

Le futur partenariat économique reposera sur un accord commercial large avec coopération douanière et convergence réglementaire. La future relation pourrait en effet inclure une forme d’union douanière et ne se limiterait pas seulement à un accord commercial. L’accès au marché unique européen ne pourra s’opérer sans respect par les autorités britanniques des règlementations européennes sur l’environnement, la fiscalité et la politique sociale. Dans certains domaines – énergie, transports, numérique – des accords de coopérations sont d’ores et déjà envisagés. S’agissant des services financiers, compte tenu de la perte du « passeport financier », il n’y aura pas d’accès direct aux marchés financiers pour les établissements britanniques après le retrait : la procédure d’équivalence mise en place par l’Union européenne pour les pays tiers s’appliquera alors pour le Royaume-Uni. Des négociations délicates sont, en outre, attendues concernant la liberté de circulation des citoyens européens au Royaume-Uni – la déclaration politique prévoit uniquement l’absence de visa pour les courts séjours – ou l’accès aux eaux territoriales britanniques des navires de pêche de l’Union européenne à l’issue de la période de transition.

Le Royaume-Uni pourra, après sa sortie définitive de l’Union européenne et à l’issue de la période de transition, participer à certains programmes européens, à l’instar d’Erasmus. Les conditions de participation seront décidées programme par programme contre une contribution financière. Les négociations à venir permettront de déterminer si le Royaume-Uni sera toujours partie prenante dans le programme européen de navigation par satellite Galileo ou continuera à avoir accès aux financements de la BEI.

Les deux parties s’engagent enfin à œuvrer ensemble pour lutter contre la criminalité internationale, le terrorisme et les menaces hybrides et maintenir l’ordre international, en promouvant la sécurité mondiale, la prospérité, le multilatéralisme. Cela implique la coopération dans le domaine judiciaire et en matière de relations internationales et, en conséquence, la participation du Royaume-Uni à certaines réunions informelles du Conseil et l’échange d’informations. Les Britanniques pourront participer aux projets européens de la défense avec le statut de pays tiers (Coopérations structurée permanente, Agence européenne de défense (AED) et Fonds européen de défense).

 

Les prochaines échéances :

–     11 décembre 2018  : Vote au Parlement britannique sur le projet d’accord de retrait

–     13-14 décembre 2018 : Conseil européen

–  Février 2019 : Vote au Parlement européen sur le projet d’accord de retrait

–     30 mars 2019 : Sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne

31 décembre 2020 : Fin de la période de transition (possibilité de prorogation de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2022)

                                           

 

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