Note concernant la Commission Mixte Paritaire positive du lundi 9 octobre
L’état d’urgence a été prononcé le 14 novembre 2015. Il a fait l’objet de 6 prorogations dont la dernière en date du 15 juillet 2017 jusqu’au 1er novembre 2017.
Si les mots ont un sens, l’état d’urgence est un régime temporaire alors que la guerre contre le terrorisme sera probablement l’œuvre d’une génération.
L’idée du Gouvernement est de renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme en intégrant dans le droit commun les dispositifs actuellement utiles de l’état d’urgence. J’ai à plusieurs reprises dans cette lettre mensuelle fait des réserves sur les prorogations successives de l’état d’urgence et ne peut qu’approuver le fait de revenir au droit commun.
J’ai également souligné à plusieurs reprises que l’équilibre entre les mesures de lutte contre le terrorisme et la préservation des libertés publiques était vraiment arrivé à ses limites . Notre société dispose bien de tous les éléments législatifs pour mener sa lutte contre le terrorisme et il faut arrêter la course à la créativité juridique.
La question des moyens et de l’efficacité est un autre sujet.
Les mesures envisagées par le Gouvernement concernent d’une part la prévention des actes de terrorisme:
L’article 1 confie au Préfet la compétence pour instaurer les périmètres de protection. Au sein de ce périmètre de protection le Préfet peut réglementer l’accès, la circulation et le stationnement des personnes afin de pouvoir organiser le filtrage des accès au périmètre protégé.
L’article 2 permet au Préfet de procéder, aux fins de prévenir des actes de terrorisme, à la fermeture administrative pour une durée de 6 mois, des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus provoqueraient la commission d’acte terroriste en France ou l’étranger, une incitation à la violence ou feraient l’apologie de tels actes. Une procédure de recours en référé devant le juge administratif est prévue.
L’article 3 établit des mesures de surveillance que le Ministre de l’Intérieur peut prendre aux fins de prévenir des actes de terrorisme à l’encontre de toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une mesure d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre public.
Cette mesure concerne le fait de ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, l’obligation de se présenter au maximum une fois par jour au service de police et de déclarer son lieu d’habitation ainsi que tout changement de ce dernier.
L’intéressé peut être dispensé de cette obligation de présentation s’il accepte d’être placé sous surveillance électronique mobile, cette surveillance déclenchant automatiquement une géolocalisation lorsque la limite territoriale est fixée.
De même le Gouvernement a prévu d’obtenir la déclaration des numéros d’abonnement et identifiants techniques de tous moyens de communication électronique avec une incrimination pénale dans la mesure où l’intéressé utiliserait des numéros non déclaré.
Ceci est indépendant des mécanismes d’écoute téléphonique soit par autorisation administrative, soit par autorisation judiciaire.
L’article 4 prévoit la possibilité pour le Préfet de faire procéder, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, à une visite de tout lieu pour lequel il existe des raisons sérieuses de penser qu’il est fréquenté par une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de considérer que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre public. Cette visite peut s’accompagner de la saisie de documents, objets ou données qui s’y trouvent. Il s’agit du maintien des mesures de perquisition qui figurent dans l’état d’urgence.
La visite doit être autorisée par le JLD.
Les articles 5 et 6 visent à adapter à notre législation la directive dite PNR adoptée le 21 avril 2016.
Celle-ci concerne les passagers aériens. Le même dispositif est prévu pour les passagers du transport maritime.
La deuxième catégorie du projet du Gouvernement concerne une réforme du régime de surveillance des communications hertziennes, nouveau régime qui vise à intégrer les conséquences d’une décision du Conseil Constitutionnel du 21 octobre 2016.
Cette question ne fait plus débat.
Le dernier point du projet concerne les dispositions relatives au contrôle dans les zones frontalières avec un élargissement des possibilités de contrôle dans les zones frontalières intérieures et extérieures. Cette zone frontalière serait fixée à 20 km le long de la frontière intérieure et à un rayon de même longueur pour les ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières.
Le texte prévoit également une rétention d’une durée maximale de 6 heures.
La commission des lois du Sénat a recherché un équilibre entre la nécessité d’assurer la sécurité de l’ordre public et le fait de protéger les droits et libertés constitutionnellement garantis.
Ceci a conduit à renforcer les garanties relatives à la vie privée, professionnelle et familiale des personnes contrôlées en ce qui concerne l’instauration des périmètres de protection.
La commission a également supprimé l’obligation de déclaration des numéros d’abonnement et d’identifiants de communications téléphoniques au titre du respect de la vie privée et du principe constitutionnel interdisant l’auto–incrimination, des garanties ont été prévues pour les visites domiciliaires et les saisies.
Enfin les dispositions des articles 3 et 4 ont été limitées dans le temps soit jusqu’au 31 décembre 2021.
Lors de la première lecture le Sénat a prévu l’intervention du juge dans le cadre du renouvellement du contrôle administratif ainsi qu’un meilleur encadrement des associations de prévention et de lutte contre la radicalisation.
L’Assemblée nationale a étendu les zones de protection de l’article 1 aux « abords immédiats » en visant manifestement l’hypothèse de projection d’un véhicule sur une foule.
L’Assemblée a élargi les possibilités de fermeture d’un lieu de culte en « raison d’idées, théories ou écrits diffusés » en augmentant également à la sanction en cas de violation d’une fermeture administrative.
Les députés ont également rétabli l’obligation de communiquer les numéros d’abonnement et les identifications techniques.
Ils ont limité à 1 an les mesures de surveillance et de contrôle.
Ils ont prévu qu’en cas de retenu, l’autorisation du juge des libertés et de la détention n’était pas nécessaire à partir du moment où celui-ci avait autorisé la visite, bien sûr lorsqu’il existe un risque terroriste.
L’Assemblée a réduit de 4 ans à 3 ans la période de validité des dispositions des articles 3 et 4 ce qui a été appelé la clause dite d’autodestruction de ces mesures exceptionnelles intégrées dans notre droit commun.
Il s’agit donc d’une intégration transitoire.
J’ai participé à la Commission Mixte Paritaire qui a essayé de trouver un terrain d’entente entre l’Assemblée et le Sénat. Il a été trouvé.
D’une part il était important que l’unité nationale soit respectée contre le terrorisme.
D’autre part il convenait de légiférer vite puisque l’état d’urgence s’achève au 1er novembre d’où la nécessité de disposer préalablement d’un texte promulgué intégrant les mesures les plus intéressantes de l’état d’urgence dans le droit commun au moins à titre transitoire.
Cet accord répond à l’exigence de lutte contre le terrorisme et en même temps de protection des libertés publiques auxquelles des limites ne peuvent être fixées que dans la stricte mesure de ce qui est indispensable à la sécurité publique.
Ceci a conduit à réduire de 4 années à 3 années l’intégration des dispositions les plus sensibles de l’état d’urgence dans notre droit commun et en particulier les articles 1 à 4. Elles seront applicables jusqu’à fin 2020.
Bien entendu à tout moment le Gouvernement peut, en cas de situation exceptionnelle, décider de recourir de nouveau à l’état d’urgence.
Cette clause dite « d’autodestruction » à l’issue d’un délai de 3 ans a été étendue à l’ensemble des mesures 1 à 4 alors qu’elle était initialement limitée aux mesures des articles 1 et 2.
Le fil rouge de la CMP et du texte est la lutte contre le terrorisme et non toutes les atteintes à la sécurité.
Au titre du secret de la vie privée et du principe constitutionnel interdisant l’auto incrimination, la position du Sénat a été également admise sur le terrain de la protection des libertés. La communication des identifiants et autres abonnements numériques ne sera plus exigée, le contrôle par voie d’écoutes restant bien sûr possible par voie judiciaire ou par autorisation de la Commission ad hoc.
Lorsqu’une personne sera retenue sur les lieux d’une perquisition, le juge des libertés de la détention sera informé mais son autorisation préalable n’est plus exigée puisqu’il a lui-même autorisé au départ la perquisition ce qui conduit à penser qu’il avait retenu l’existence d’un danger potentiel.
Les abords immédiats sont conservés à l’article 1 dans le périmètre susceptible de faire l’objet d’une protection.
Au titre de l’article 2, les modalités prévues par l’Assemblée Nationale ont été retenues et sont d’ailleurs en cohérence avec les critères applicables à la dissolution d’une association gestionnaire d’un lieu de culte.
Toutes les dispositions concernant les mesures individuelles des contrôles administratifs et de surveillance ont fait l’objet d’un accord sans difficulté de la même manière que les dispositions concernant le PNR aérien et le PNR maritime.
Sur la lutte contre la radicalisation il sera demandé aux associations financées à ce titre de respecter un cahier des charges définissant moyens, formation des personnels et objectifs, cahier des charges élaboré par le ministère de l’intérieur.
Toutes les mesures administratives visées par ces textes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme font l’objet d’un contrôle parlementaire. L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par les autorités administratives.
L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toutes informations complémentaires dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. L’intégration des mesures de l’état d’urgence dans le droit commun est donc contrebalancée par le contrôle parlementaire.