Audition du « Monsieur numérique » du Gouvernement

Nous avons auditionné Mounir Mahjoubi le 18 juillet. Ce jeune ministre est l’homme du numérique au Gouvernement ; très diplômé, de manière éclectique, il est « tombé dans la marmite » du numérique très jeune avec plusieurs créations d’entreprises dans ce domaine.

Ce garçon étonnant s’exprime à une vitesse ultra rapide avec des convictions tranchées. Son sujet, le numérique, est important pour nos territoires tarnais.

Son premier axe est de se demander comment le numérique peut accélérer la croissance (le numérique économique). C’est le discours assez classique sur la digitalisation de l’économie, l’intégration du numérique dans les TPE et PME, l’accent sur les start-ups, sur les « innovateurs ».

Le deuxième axe concerne les effets du numérique dans le domaine public avec l’idée d’un « État plate-forme ». Il admet volontiers que l’enjeu est d’allier « performance et humanité », l’intégration de la dimension numérique dans l’organisation de l’État supposant préalablement l’amélioration des accès et une forme de médiation pour le citoyen.

C’est ce qui le conduit à son troisième axe, « le numérique inclusif ». En premier vient la question de l’accès. Il a rappelé l’engagement du Président de la République sur une couverture nationale du territoire en haut et très haut débit (soit fibre ou 4G) pour tous les Français en 2020 et en 2022 le très haut débit pour tous.

Il évoque « l’impatience numérique », une « exigence numérique ».

À côté de l’accès, la seconde question est celle de l’usage, la partie invisible. Il explique qu’il y a 20 à 30 % de Français pour qui, indépendamment de la disponibilité du haut débit, l’accès au numérique sera difficile pour des motifs de langue, de handicap, de difficultés à appréhender.

Il estime avec franchise que les méthodes de type rendez-vous obligatoires par Internet pour se rendre dans une administration ou chez son médecin sont ingérables ( » un enfer  » suivant son mot ) pour 20 à 30 % de la population .

Il souhaite un travail sur la question de la médiation numérique, la capacité à faire de l’inclusion numérique, les lieux de médiation. Ceci rejoint la politique des cyber-bases qui avait été initiée par la région Midi-Pyrénées il y a une douzaines d’année et assez vite abandonnée. Il admet que le sujet est compliqué et que rien n’est aujourd’hui budgété par l’État.

Son axe complémentaire est celui de la confiance dans l’espace numérique où il regroupe à la fois la question de la cyber-sécurité pour les entreprises comme les particuliers et celle de la protection des données personnelles.

Je l’ai donc questionné sur la manière dont le Gouvernement pense être en mesure d’exécuter l’engagement présidentiel de couverture du territoire en 2020 puis 2022.

J’ai attiré son attention sur la position exprimée par SFR, qui prétend que si l’État ne s’occupe pas de cette question, il sera capable sur ses moyens propres avec un échéancier plus long de 2 ans de tout traiter. J’avoue ne pas savoir si SFR est dans un exercice marketing ou s’il y a du sérieux dans leurs propositions.

La position du ministre consiste à se méfier de tout « grand soir » ou « big bang » du numérique, d’éviter de casser ce qui fonctionne.

Il m’a expliqué qu’il partait d’une cartographie nationale des acteurs sur laquelle sont référencés les investissements en cours des grands opérateurs, les possibilités d’intervention d’acteurs nouveaux, les projets des collectivités locales.

Il souhaite accélérer l’investissement sans bouleverser les marchés, évoquant une « broderie fine ». Il n’est pas favorable au fait que chaque opérateur déroule son propre réseau et son propre investissement. Il attend des opérateurs des mutualisations.

Un délai a été donné à tous les opérateurs pour faire remonter leurs propositions à mi-août en sachant que les relations entre les 4 grands opérateurs sont exécrables et en particulier entre Orange et SFR.

Il espère être en mesure de communiquer les propositions du Gouvernement à fin septembre.

J’ai eu le sentiment que l’idée du Gouvernement était d’allonger la durée des licences pour donner plus de capacité d’investissement aux opérateurs au service des territoires. Il faut se souvenir que par étapes successives l’État a vendu des droits d’utilisation exclusive de fréquences. Les opérateurs ont versé au budget de l’État plusieurs milliards d’euros pour disposer de ces fréquences, ponction importante sur leurs capacités financières qui pèse aujourd’hui sur leur capacités d’investissement.

Ces licences d’utilisation sont limitées dans le temps et les opérateurs pensent déjà à leur renouvellement, à l’argent qu’ils devront provisionner pour faire face à ces futurs appels d’offres.

L’idée du Gouvernement me semble d’allonger la durée des licences pour permettre aux opérateurs de consacrer leurs capacités financières sur les investissements réseaux sans avoir à provisionner pour le moment le coût de renouvellement des licences.

Plusieurs collègues maires m’ont posé ces derniers jours la question de savoir s’il était toujours utile pour nos collectivités locales d’investir notamment au niveau des intercommunalités pour poursuivre l’équipement.

Ma réponse est à l’évidence affirmative. Autant je crois possible une accélération des investissements, autant je ne crois pas que les opérateurs auront la capacité d’investir sur tout le territoire sans qu’il n’y ait à un moment donné un relais public. Comme évoqué plus haut, l’idée du Gouvernement n’est pas d’un « grand soir » mais bien la poursuite d’un calendrier d’installation en accélérant le délai d’exécution.

J’ai également l’impression que le Gouvernement souhaitera donner un caractère contraignant aux engagements des opérateurs. C’est un point que je demande depuis assez longtemps puisque les engagements des opérateurs ne sont pas actuellement soumis à sanction.

Nous suivrons attentivement ensemble ce dossier numérique très important pour le Tarn.

En savoir plus sur Philippe Bonnecarrère, Député du Tarn

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