Les délits de presse sur Internet en question

Dans le cadre du texte portant réforme de la prescription en matière pénale, évoqué dans l’article précédent, une mesure du texte relative au délit de presse a, tout au long de la navette parlementaire, opposé Sénat et Assemblée nationale. Je vous propose les éléments de contexte qui ont nourri l’essentiel de ce débat qui interroge l’articulation entre des lois anciennes et certaines caractéristiques de notre société moderne.

Une « navette » qui butte sur la prescription des délits de presse commis sur Internet

Convoquée suite à la 2ème lecture du texte par le Sénat, au début du mois de février, la commission mixte paritaire réunie le 13 février a échoué et confirmé ce qui caractérise ce texte depuis le début de sa navette parlementaire : le Sénat et l’Assemblée sont d’accord sur l’essentiel du texte mais demeure la pomme de discorde sur la question de l’allongement, de 3 mois à 1 an, de la prescription des délits de presse lorsque les faits sont commis sur Internet et « sauf en cas de reproduction du contenu d’une publication diffusée sur support papier ».

C’est le débat entre l’esprit de la loi de 1881 sur la liberté de la presse et sa nécessaire adaptation à notre époque, caractérisée la place prise par Internet en matière de production et diffusion de contenu, en matière de protection des droits fondamentaux individuels et de l’ordre public (diffamations, injures, provocations à la haine ou à la discrimination, …).

Précisions sur les termes du débat et la position du Sénat : adapter les délais de prescription à l’ère du numérique

Le Sénat considère que le délai de prescription de 3 mois aujourd’hui en vigueur ne protège pas suffisamment les victimes des abus de la liberté d’expression commis sur Internet. Le caractère éphémère et temporaire du trouble causé par un écrit ou une parole, qui justifiait une prescription courte, est remis en cause par l’essor de la sphère numérique, où les contenus persistent plus longtemps et sont accessibles à un public très large.

Il s’agit donc de permettre aux victimes de disposer du temps nécessaire pour constater l’infraction, identifier le responsable des propos et mettre en mouvement l’action publique ou civile.

En l’état de la jurisprudence, une personne victime par exemple de diffamation ou d’injures ne peut pas obtenir réparation du préjudice si le premier délit de presse en question (par la suite relayé sur la « Toile », à l’image d’une « tâche d’huile ») n’a pas fait l’objet d’une plainte dans les 3 mois suivant sa publication…

Or, l’on imagine très bien la difficulté à « remonter » jusqu’à la source initiale. D’autant plus que les délits en question sont aujourd’hui beaucoup plus le fait de « particuliers« , de manière anonyme et nécessitant des actes d’enquête plus longs et compliqués.

À titre personnel, je ne pense pas que l’allongement du délit de presse commis sur Internet menace la liberté de la presse, si l’on admet qu’il existe bel et bien aujourd’hui un « vide juridique » lorsque les informations diffamatoires ressortent après extinction de l’action publique.

Le débat a été clos le 16 février par l’Assemblée, amenée à se prononcer de manière définitive sur ce texte.

Le texte a été promulgué mardi 28 février.