Au nom de quoi traiter mes concitoyens du sud du Tarn comme des citoyens de seconde zone ?
L’agglomération Castres-Mazamet a perdu 6254 habitants entre 1975 et 2021 quand le Tarn en gagnait 55 548 et que la Haute-Garonne doublait sa population.
Leader français du textile, du délainage, du cuir, le Tarn sud a connu une terrible saignée industrielle. Certes il s’est relevé. Les Tarnais ont travaillé dur avec leur énergie et leur biaïs mais le Tarn sud se serait relevé tellement plus vite et tellement plus fort s’il avait disposé d’une autoroute !
C’était le message d’un industriel génial, Monsieur Pierre Fabre, qui a placé toutes ses actions avec désintéressement dans une fondation avec pour mission de garder l’entreprise ancrée sur son territoire, justement parce qu’il connaissait le risque de délocalisation en raison de l’enclavement.
La réalisation de l’autoroute est portée par les 46 conseillers départementaux Tarnais unanimes, les communes et intercommunalités, la présidente de Région, le Président du Conseil Économique et Social, les syndicats ouvriers comme patronaux, les milieux économiques, sociaux, culturels, sanitaires, tout un territoire.
Serions-nous indifférents à l’environnement ?
Plutôt que de faire la liste de toutes les mesures d’évitement et de compensation qui constituent le dossier de l’autorisation environnementale, je voudrais simplement que mes collègues parlementaires et tous les lecteurs éventuels comprennent ce territoire et les gens qui y vivent.
Un territoire :
– qui produit beaucoup d’hydro-électricité
– qui comprend le Parc du Haut-Languedoc avec 300 éoliennes
– qui a une grande part de la forêt d’Occitanie
– qui alimente en eau depuis Riquet le Canal du midi et la plaine de Garonne.
Le Tarn sud a une magnifique nature, des produits locaux de qualité et apporte une solide contribution à la biodiversité de notre pays. Pour répondre à une critique habituelle, le Tarn a profondément le respect du vivant.
Il m’arrive souvent de devoir répondre à la question : « mais pourquoi vous ne faites pas une 4 voies en élargissant la route actuelle ? » C’est une réponse de 2025 à une question de 1994.
A cette date, Midi-Pyrénées avait un retard considérable dans ses infrastructures routières. Et au fur et à mesure du temps et des contrats de plan, État et Région ont dû réaliser la RN20, l’A68, débuter Toulouse – Auch … avant de concentrer tous les moyens sur le ferroviaire.
L’État et la Région Midi-Pyrénées, puis Occitanie, ont toujours répondu au sud du département qu’ils n’avaient pas d’autre moyen de financement que la concession autoroutière. Chacun peut d’ailleurs constater que la RN20 sud n’est toujours pas achevée vers l’Andorre et l’Espagne avec la déviation de Saint-Beat et que l’axe Toulouse-Auch n’est pas plus terminé.
Au-delà de la gabegie à stopper une opération largement entamée, ce serait repartir pour 15 ans d’études, d’autorisations d’urbanisme et environnementale, d’expropriations, d’appels d’offres … à supposer que des financeurs soient trouvés.
Et au bout de ceci, nous aurions les mêmes difficultés et les mêmes contestations. Nous nous apercevrions qu’il faut abattre des centaines de platanes et qu’une petite ville comme Saïx ou des villages comme Cuq-Toulza seraient partagés par moitié…
La réalité est qu’aucun projet d’infrastructure n’échappe aujourd’hui dans notre pays à une contestation, quelle que soit sa qualité. Ceci est devenu un sujet idéologique pour les tenants d’une décroissance, qui considèrent que notre pays est bien assez équipé.
Avec nos déficits et notre endettement, j’ai la conviction profonde que la décroissance serait une catastrophe pour notre pays. Nous serions bien incapables, entre autres, de continuer à porter notre modèle social !
Je suis frappé depuis plusieurs semaines du changement chez mes concitoyens. Ceux qui étaient favorables à l’autoroute le sont toujours, ceux qui étaient opposés font souvent l’observation inverse et disent : « j’étais contre mais maintenant il faut la terminer ».
Je dois, comme d’autres, à mes concitoyens sud Tarnais la bonne fin du chantier de l’autoroute.
Ceci n’interdit pas de penser à la suite et nous devrons passer à une autre étape, sortir des oppositions.
J’invite tous ceux qui ont contesté l’autoroute, souvent de bonne foi, à passer à autre chose, à participer au suivi des compensations, à la bonne mise en œuvre du projet de territoire.
En appeler « à la rue » et à des manifestations sans fin peut répondre à cette obsession très politique de cliver la société Française. Il est des manières plus positives d’utiliser son temps et son énergie.
Philippe Bonnecarrère