Notre finitude est indissociable de la condition humaine.
L’ »aide active à mourir » est-elle une liberté ? Sans doute, pour ceux qui ont eu le contrôle de leur existence, qui disposent des ressources éducatives et matérielles pour appréhender cette décision et qui redoutent avant tout leur déchéance corporelle.
Est-elle une liberté pour ceux qui vivent dans l’isolement, sans soutien affectif ou matériel, dans la vulnérabilité de leur grand âge ? Je n’en suis pas certain et crains une pression silencieuse ou le sentiment d’être un fardeau pour la société.
La relation à la mort demeure ce qu’il y a de plus intime. La fin de vie concentre nos émotions, nos troubles, nos doutes les plus profonds. Aucune loi, aussi bien intentionnée soit-elle, ne pourra répondre à la multiplicité des situations humaines face à cette échéance universelle.
Face à ma propre angoisse de la souffrance, les soins palliatifs m’apportent une réponse rassurante : mourir en ayant pu refuser l’acharnement thérapeutique, sans faire face à l’excès de douleur, me semble la voie la plus respectueuse de notre humanité. La possibilité d’une sédation profonde et continue prévue par la loi Claeys-Leonetti permet de voir la vie nous quitter, idéalement dans un cadre familier, le corps n’étant plus alimenté, sans souffrance.
Malheureusement, cette approche reste trop souvent hors d’atteinte, les soins palliatifs n’étant pas suffisamment développés sur notre territoire. Nous voici face à un choix de société : devons- nous prioritairement garantir une couverture complète des soins palliatifs ou ouvrir la voie de « l’aide active à mourir » ?
Ma réponse sera oui à la première question et non à la seconde.
La première relève du soin, la seconde nous conduit dans autre chose. Je doute que « l’aide active à mourir » restera un choix personnel.
Et l’appel à mourir a-t-il vraiment ce sens ou est-ce un appel au secours ? Donner la mort ou se donner la mort posera toujours un problème éthique que je considère insoluble, malgré de multiples discussions ou lectures.
Une fois franchi le seuil entre une vie qui nous quitte et une vie qui nous est ôtée ou que nous nous ôtons, je ne crois pas que les « garanties » mises en avant par mes collègues résisteront à l’épreuve du temps. Tôt ou tard, la société risque d’arriver à la conviction qu’il y a des vies qui valent moins que d’autres et la tentation de ne plus véritablement accompagner la fin de vie s’imposera.
C’est pourquoi je voterai tout à l’heure en faveur du renforcement des « soins palliatifs » – pour une mort accompagnée, digne, sans souffrance – et contre l’ouverture de « l’aide active à mourir ».
Je vous devais cette explication de mon choix, sans prétendre donner de leçon à quiconque sur un sujet où chaque conscience doit pouvoir s’exprimer librement.